REVETEMENTS SYNTHETIQUES

DES TERRAINS DE SPORT


Une de nos adhérentes avait attiré notre attention sur la dangerosité de telles installations en matière de santé publique et d’environnement. Nous avons commencé à mener une enquête.


Composition.

Le mode de fabrication de ces terrains nous donne un certain nombre d’indications.

Un terrain synthétique est constitué de deux éléments essentiels.

Le premier : les brins d’herbe qui imitent le gazon. Ils sont fabriqués à partir de matières plastiques et insérés dans un support textile (latex).

Le second : le granulat le plus utilisé est à base de caoutchouc et se présente sous forme de petites billes noires issues du recyclage de pneus en fin de vie.

Avant de poser ce gazon, il faut bien entendu réaliser l’aménagement du terrain (terrassement, nivellement, réseau de drainage).


Quels dangers pour la santé ?

La polémique autour de ces terrains, qui a débuté dès leur création dans les années 1970 en raison de brûlures fréquentes, s’est accentuée d’abord aux USA avec, à la fin des années 2000, une ancienne gardienne de but de l’équipe nationale américaine de football qui avait constaté un certain nombre de cas de leucémies et de lymphomes, en particulier chez les gardiens. Depuis 2013, elle dresse la liste des joueurs américains malades. Tous ont un point commun : ils jouaient sur des terrains synthétiques.

A partir de 2017, l’enquête du magazine « So Foot » et surtout l’émission « Envoyé Spécial » du 22/2/2018 font émerger la polémique en France. Le titre de l’émission télévisée « Gazon suspect » annonçait la couleur et le reportage dénonçait la fausse bonne idée de recycler ainsi de nos déchets.

Les granulés sont au centre de cette polémique : ils s’infiltrent facilement dans les vêtements et les chaussures.

Les données ci-après sont tirées d’une enquête de l’émission « On n’est pas des pigeons » de la Rtbf de mars 2020.

Les journalistes ont prélevé des échantillons de billes et les ont fait analyser. On y trouve des métaux lourds (cadmium, plomb, et surtout zinc) mais aussi des hydrocarbures, des traces de polychlorobiphényls (PCB), des phénols, dont le tristement connu bisphénol, des phtalates, du formaldéhyde, du benzène. Certains sont cancérigènes, d'autres perturbateurs endocriniens, d'autres encore mutagènes, quand ce n'est pas deux, voire les trois en même temps.. Les doses respectent bien les normes européennes mais les limites sont très hautes. Attention, une précision importante : comme dans d'autres domaines, ces valeurs limite, seuils d'information ou d'alerte, ne sont en rien des seuils d'innocuité ! Il s'agit des valeurs en deçà desquelles les risques sont considérées comme socialement acceptables par celles et ceux qui les ont adoptées.

Le contact de la peau des joueurs avec ces billes est constant sans compter les brûlures des cuisses, des genoux ou des coudes des joueurs en cas de chute. Le risque étant qu’elles se collent sur ces plaies ouvertes. Les gardiens avouent qu’ils en ont fréquemment dans la bouche ou le nez.

L’analyse de prélèvements d’urine de quelques joueurs ont mis en évidence la présence de métaux lourds (chrome et cadmium), de phtalates, et de certains hydrocarbures.

Aucune étude épidémiologique digne de ce nom n’existe, mais pour certains scientifiques il faudrait appliquer le principe de précaution, puisque nous sommes incapables d’évaluer les effets combinés de toutes ces substances.


Quels dangers pour l'environnement ?

Ces terrains sont aussi un désastre pour l’environnement. Quand il pleut, un certain nombre de billes sont entraînées avec l’eau drainée. Au cours de l’enquête, un test d’écotoxicité a été fait en plongeant les granules dans de l’eau pendant 24h. L’eau extraite a été ensuite mise en contact de micro-crustacés vivants (les daphnies). L’expérience a montré la mort d’un certain nombre de ceux-ci. Cette eau présente donc une toxicité aiguë, avec notamment la présence importante de zinc.

Sur cette question, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail (Anses) a publié un avis le 18/9/2018. Pour cet organisme, « les études disponibles ne mettent pas en évidence de risque pour la santé, elles évoquent des risques potentiels pour l’environnement ». A qui fera-t-on croire que la pollution de notre environnement n'a pas d'incidence sur notre santé ? Notre environnement n'est pas situé sur la planète Mars, nous baignons dedans !

Il est à noter que ce type de terrain est interdit en Ligue 1 et 2 de football. Les amateurs peuvent continuer à subir la pollution, les professionnels en sont préservés !

Et n'oublions pas que la majeure partie de ces débris finit à la mer, par l'intermédiaire des eaux de ruissellement, des rivières et des fleuves. Ce sont ainsi 9 500 000 tonnes de microplastiques (taille inférieure à 5 mm) qui sont déversés chaque année dans la mer. Les revêtements plastiques des stades y contribuent donc. On retrouve ces microplastiques, souvent dégradés en nanoplastiques, dans les organismes marins, puis dans l'estomac du prédateur en bout de chaîne : nous.


Quelle alternative aux billes de caoutchouc ?

On utilise maintenant un mélange de fibres de coco et de liège, ou des billes de liège, ou encore des noyaux d’olive concassés.


Notre enquête à Villejuif.

Nous pensions au début de notre travail qu'un seul équipement public présentait ces caractéristiques : le stade Karl Marx. Il est utilisé par l’USV football et par les scolaires.

Après plusieurs démarches infructueuses, nous avons enfin pu joindre le président de l'USV football au téléphone. Lors de notre conversation, il a dit n'avoir pas été au courant des dangers de tels revêtements et a assuré qu’il n’y avait pas d'information sur ce sujet dans les vestiaires.

Nous avons essayé de contacter par messagerie le collège Karl Marx pour avoir un rendez-vous avec un professeur d’EPS. Nous n'avons pas eu de réponse.

Nous nous sommes également rendus à l’Office Municipal des Sports, mais la personne rencontrée n’était pas au courant de la composition du terrain situé à 50 mètres de son bureau.

Nous avons eu un entretien avec Valérie Morin, à l'époque adjointe aux sports pour tous.tes. Elle nous a dit être « sensibilisée » aux risques sanitaires et environnementaux liés à ces installations. Nous l'avons interrogée sur le projet de réfection de ce stade dont le financement est prévu au budget 2023, pour un montant de 500 000 €. Elle semblait ne pas connaître cette inscription. Elle nous a cependant assuré que les fondations devaient être reprises, et qu’à cette occasion le revêtement serait changé et les billes de pneus remplacées par du liège et du coco. Selon le président de l’USV Football, ce budget serait insuffisant pour effectuer tous les travaux de restauration.

Valérie Morin nous a informés que le stade Gabriel Thibault (quartier Pasteur) serait également transformé, avec une pelouse synthétique dernière génération composée de matériaux plus écologiques. Elle a ajouté que les granulés du stade Karl Marx seront interdits à compter du 1er mars 2026. En fait, cette proposition de loi n'a jamais été adoptée par l'Assemblée Nationale.

Nous avons ensuite pu rencontrer Monsieur GARCIA, missionné par la ville pour produire un rapport sur la rénovation des équipements sportifs municipaux, y compris sur l'enjeu des revêtements synthétiques contenant des granulés de pneus usagés, ce qui concerne en premier lieu le stade Karl Marx. Puis nous avons rencontré Guillaume BULCOURT, élu en charge des sports, et avons enfin assisté à la réunion de restitution du rapport par Monsieur GARCIA. A toutes ces occasions, le discours a été le même, suivant en cela le rapport de l'ANSES sur cette question. Nous enregistrons avec satisfaction le projet de remplacement de ce revêtement à l'horizon de l'été 2023, adopté lors du Conseil Municipal d'avril 2023. En revanche, nous n'avons pas réussi à faire prendre en compte la nécessité de l'information des utilisateurs sur l'utilité de se laver et de laver les vêtements dès la fin de la pratique sur le stade Karl Marx.

Lors d’une visite dans le quartier Lamartine et une information sur l’Agence Nationale pour le Rénovation Urbaine (ANRU), nous avons constaté l’existence d’une autre installation avec du gazon synthétique identique à celui du stade Karl Marx.

Lors de l'entrevue avec Guillaume BULCOURT, nous avons appris que cet équipement était géré par Valdevy, et qu'il nous envoyait vers Gilbert CHASTAGNAC, l'élu siégeant à cet organisme. Celui-ci répondait à notre demande d'entrevue qu'il s'agit d'un terrain appartenant à la municipalité, donc du ressort de Guillaume BULCOURT. Celui-ci, sollicité de nouveau, ne nous répondait plus.

Nous avons décidé de nous tourner vers les associations de parents d'élèves du secteur ainsi que vers l'amicale des locataires du groupe Lebon-Lamartine. Au jour où nous rédigeons, nous n'avons enregistré aucune réponse.



3ème version, mai 2023