COMPTE RENDU DE LA CONFERENCE - DEBAT

SUR LE TRAITEMENT DES DECHETS MENAGERS

10 MARS 2 012

 

 

Hervé a présenté la réunion, notamment en rappelant l’implication de l’association Agir à Villejuif dans le débat public relatif à la reconstruction de l’usine de traitement d’Ivry, ce qui l’a amenée à réfléchir sur les dangers de l’incinération, à s’affilier au collectif 3R qui a élaboré un projet alternatif au projet du SYCTOM, et à se rapprocher de l’association villejuifoise Quatraire qui se fixe comme objectif de développer les gestes citoyens dans ce domaine. Après avoir présenté nos trois invités qui traiteront chacun un volet de cette réflexion, il donne leur donne successivement la parole.

·        RESUME DE L’INTERVENTION DE SEBASTIEN LAPEYRE (CNIID)

Le Centre national d’information indépendante sur les déchets (CNIID) est une association spécialisée dans la problématique des déchets municipaux, elle mène campagne en faveur d’une gestion écologique de ces derniers notamment grâce à leur réduction à la source (en quantité et en toxicité) et à leur détournement de l’incinération et de la mise en décharge.

 

La France a le premier parc d’incinérateurs en Europe (128 sur 400 !) et incinère 40% de ses déchets. D’après le SYCTOM (Syndicat Intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères), « Les fumées de l’incinérateur d’Ivry sont composées à 99% de vapeur d’eau ». Cela est scientifiquement faux. En fait, même si ce n’est jamais mis en avant, on y trouve par exemple du dioxyde de carbone (CO2), des dioxines chlorées et bromées, des métaux lourds : mercure (Hg), cadmium (Cd), plomb (Pb), des oxydes d’azote (NOx), de l’oxyde de soufre (SO2), des hydrocarbures aromatiques, etc… En tout, plus de 2 000 molécules différentes ! Une vingtaine d’entre elles seulement sont suivies régulièrement.

 

Certes, pour tous ces produits, il existe des normes concernant leur rejet dans l’atmosphère. Mais ces rejets n’en existent pas moins. L’Institut National de Veille Sanitaire (InVS) a mené une étude épidémiologique pour évaluer l’impact de ces rejets. L’étude portait sur  446 700 habitants sur 5 départements. Elle avait ses limites : elle n’identifiait pas les molécules responsables des cancers et n’a pas étudié d’autres maladies que les cancers. Ses résultats, publiés en 2 008, sont inquiétants, puisqu’ils montrent pour les riverains des incinérateurs un excès de risque significatif pour tous les types de cancers étudiés. Pour certains d’entre eux, l’excès de risque est de plus de 20% !

 

Les nouvelles usines d’incinération auraient-elles un impact moindre ? Peut-être, mais pour le savoir, il faudra mener de nouvelles enquêtes épidémiologiques.

 

Cela montre que les normes actuelles ne protègent pas les riverains, d’autant que ces normes sont exprimées en débit alors que nous respirons tout le temps, et que les produits indésirables s’accumulent lentement. Les faibles doses ne sont d’ailleurs pas innocentes, puisque leur rôle de perturbateurs endocriniens a été mis en évidence. Et il faudrait également prendre en compte l’effet de renforcement mutuel des différents polluants (effet cocktail), rarement étudié.

 

Pour toutes ces raisons, le principe de précaution, inscrit maintenant dans la constitution, devrait être appliqué, et l’incinération abandonnée comme mode de traitement de nos déchets.

 

·        RESUME DE L’INTERVENTION D’ANNELAURE WITTMANN (COLLECTIF 3R)

Le Collectif 3R est né d’un regroupement d’associations lors du débat public sur la reconstruction de l’usine de traitement des ordures ménagères d’Ivry. Il travaille en lien avec le CNIID. Agir à Villejuif en est partie prenante.

 

Le SYCTOM (Syndicat intercommunal de Traitement des Ordures Ménagères) gère les déchets de 84 communes de la région parisienne, dont Villejuif. Son usine d’Ivry, qui fonctionne depuis 1 969, étant devenue obsolète, il veut la reconstruire, en donnant toujours une part importante à l’incinération : 350 000 tonnes, au lieu de 730 000 actuellement. Il a également l’objectif de créer une unité de tri mécano-biologique (365 000 t) afin d’extraire des poubelles les déchets organiques, et récupérer le méthane qui se forme lors de leur fermentation. Ce méthane est destiné au chauffage urbain. 

 

Les raisons de s’opposer à ce projet sont nombreuses.

·         Il envisage la poursuite de l’incinération, qui est une activité polluante (les incinérateurs sont soumis à la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP).

·         Il est en deçà des objectifs fixés tant par le Plan Régional d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PREDMA) que par le Grenelle de l’Environnement. Il n’est donc pas une incitation à la prévention des déchets, ni à l’amélioration du tri sélectif. D’autres usines proches, de construction récente, permettraient de faire l’économie de la reconstruction d’Ivry si l’on se place dans le cadre des objectifs régionaux et nationaux.

·         Dans l’état actuel de la collecte des déchets, le tri mécano-biologique ne permettrait pas d’obtenir un compost de qualité, c’est-à-dire répondant aux normes. En effet, 89% des déchets dangereux des ménages et 95% des déchets d’activités de soins à risques infectieux se trouvaient toujours dans les poubelles tout venant en 2005 en Ile de France. Cela aboutirait à l’augmentation de la mise en décharge de résidus comportant des métaux lourds, des produits chimiques ou pharmaceutiques, etc.

·         Enfin, l’augmentation de la dette publique consécutive à ce très lourd investissement amènerait une augmentation de la redevance payée par les communes, et en dernier ressort par les habitants.

 

Grâce à son travail, aux réunions publiques, aux courriers, à la pétition, et à bien d’autres actions, le Collectif 3R a obtenu la poursuite du dialogue avec le SYCTOM au-delà du débat public, ainsi que de légers infléchissements du projet. Le collectif persiste à proposer une solution de compromis, sans incinération à Ivry, solution dans laquelle le tri mécano-biologique et la méthanisation porteraient sur des tonnages plus restreints, des biodéchets collectés à la source produiraient un compost propre, et une part d’incinération qui peut s’effectuer dans les autres usines de la région, sans qu’il soit besoin de reconstruire l’unité d’incinération d’Ivry. Cette solution réduirait de moitié la dépense publique, estimée par le SYCTOM à 1 milliard d’euros. Dans ce cadre, le développement des politiques publiques de réduction des déchets, de développement du tri sélectif, du compostage, ont toute leur place. Et les risques sanitaires liés à l’incinération seraient réduits d’autant.

 

·        RESUME DE L’INTERVENTION DE CATHERINE CASEL (QUATRAIRE)

Les déchets, c'est moche c'est sale, ça sent mauvais. Que peut-on en faire ?

 

Les trier. Et en triant on crée énormément d'emplois. C'est facile, les enfants aiment bien ça. C'est un geste citoyen. Une fois triés, ils pourront être recyclés.  

 

Les recycler. Le verre est recyclable à l'infini, certains plastiques en feront d'autres,  le papier deviendra un journal, le textile de l'isolant, des chiffons. Et on dépensera beaucoup moins d'énergie à refaire qu'à faire.

 

Les composter. 30% de nos poubelles sont constitués de produits fermentescibles. Le compostage c'est simple. Dans les immeubles il y a déjà des expériences qui fonctionnent très bien.

 

Utiliser les bornes textiles. Les vêtements sont donnés, vendus ou transformés, créant aussi beaucoup d'emplois.

 

Utiliser des stop-pub. Cela économise plus de 14 kg par an et par habitant de papiers inutiles et d'encre.

 

Acheter autrement, une meilleure qualité permettra d'acheter  moins souvent, refuser les suremballages, les emballages individuels, privilégier le vrac, apporter ses sacs, utiliser moins de produits et des produits moins polluants.

 

Eviter les produits qui viennent de loin.

 

Acheter c'est notre plus grand pouvoir de citoyen. Il ne se vend que ce que l'on achète et comme ce ne sont pas les fabricants qui bougeront, c'est notre refus ou notre demande qui les fera bouger !

·        DEBAT

Un débat riche, animé, voire passionné, a suivi les apports des intervenants. Parmi les sujets abordés, nous citerons les plus marquants.

La mutualisation du traitement ne va-t-elle pas faire que l’on reportera le problème de l’incinération ailleurs ?

Malgré les filtres catalytiques, les rejets des cheminées restent-ils toxiques ?

Qu’est-ce qui fait l’accord des élus sur l’incinération  toutes tendances confondues, en dehors des écologistes ? Comment peut-on les faire changer d’avis ?

Les bornes de récupération des textiles jouent-ils leur rôle ?

Que penser de la qualité de l’eau du robinet suite à l’enquête de Que Choisir ?

La municipalité a-t-elle la volonté de lutter contre les dépôts de toutes sortes ?

Et bien d’autres problèmes qui prouvent que cette question ne laisse pas les villejuifois indifférents !

 

Puisque la question a été abordée lors du débat, le bureau de notre association a décidé de faire la proposition à la municipalité de lancer une réflexion sur le tri des biodéchets. Nous avons émis cette proposition dans le cadre du CIRT (le Comité d’Information sur les Risques Technologiques) où nous siégeons.