LES PRESSINGS
ET LE PERCHLORETHYLENE
A VILLEJUIF
1 - Généralités et
arrêtés.
Il y a environ 4000 pressings
en France. Peut-être davantage, cela dépend des sources. A Villejuif il y
en a 4 (liste disponible sur le site de la préfecture).
C’est le nettoyage à sec qui pose
problème car il utilise des solvants. Il en existe actuellement plusieurs types
en France : le perchloréthylène, le KWL, le siloxane, le Solvon K et le
Rynex.
Le perchloréthylène est le plus dangereux. Il s’agit d’un solvant
chloré, utilisé actuellement dans 90% des pressings, et ce depuis 50 ans. C’est
un composé organique volatil. C’est cette forte volatilité qui pose problème :
dès que le solvant sort de la machine (à l’ouverture du hublot, à l’évacuation
des boues, à l’entretien des filtres…), il se volatilise dans l’air du pressing
et risque d’être inhalé par le personnel, les riverains. Il est classé
cancérigène du groupe 2A par le CIRC (Centre International de Recherche sur le
Cancer), c’est-à-dire probablement cancérigène pour l’homme.
Les pressings utilisant
ce solvant sont des ICPE (Installations Classées pour la Protection de
l’Environnement), rubrique 2345. Si la capacité nominale de leurs machines est
comprise entre 0,5 kg et 50 kg, ils ne sont soumis qu’à déclaration, mais si elle
est supérieure à 50 kg, ils sont soumis à autorisation par la préfecture. La
capacité nominale est calculée conformément à la norme NF 45-010 de février
1 982 relative au matériel pour l’industrie textile et matériel connexe. La réglementation de l’utilisation
de ce solvant était prévue dans l’arrêté du 31 août 2 009.
La dangerosité avérée pour la santé et pour
l’environnement a amené à modifier cet arrêté : le 5 décembre 2 012, le Ministère de l’Ecologie déclare le retrait du
perchloréthylène Ce nouvel
arrêté modifie donc l’arrêté du 31 août 2 009 afin de mieux
réglementer l’usage du perchloréthylène.
En définitive, il s’agit du remplacement
progressif des machines utilisant ce solvant, d’ici 2 022. Les machines existantes fonctionnant
au perchloréthylène seront interdites de manière progressive, en fonction de
leur âge et du voisinage direct ou non. L’interdiction concerne, à partir du
1er septembre 2 014, les machines ayant atteint 15 ans, puis s’étendra au
fur et à mesure pour atteindre la limite de 10 ans en 2 021.
À
partir du 1er janvier 2 022, l’interdiction sera totale.
Un avis, favorable, du Conseil
Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques sur le projet d’arrêté
modifiant l’arrêté du 31 août 2009 est adopté le 26 juin 2 012.
Est contre : Robin des Bois, et
s’abstiennent : FNE et
UFC Que Choisir.
Concernant la position de Robin des Bois,
celui-ci demande aux services du Ministère de l’Ecologie et à Madame la
Ministre de raccourcir considérablement les délais d’interdiction totale de
l’utilisation du perchlo dès 2018. Une échéance réaliste ajoute Robin des Bois,
et il précise que des substituts au perchloréthylène présentant
des risques sanitaires et environnementaux, comme l’éther de glycol, ne peuvent
pas être considérés comme des solutions d’avenir et doivent être dès maintenant
prohibés. La 3e requête de Robin des Bois est d’exiger des syndics
d’immeubles, et autres copropriétés, des analyses de perchlo dans l’air
intérieur des habitations et locaux de travail voisins des pressings.
Concernant l’éther de glycol, il s’agit d’un
dégraissant utilisé en pressing. On le retrouve aussi dans les peintures, les
médicaments, l’horlogerie, les cosmétiques, les produits d’entretien, etc. ... En 2 008, L’AFFSET (Agence de Sécurité
Sanitaire de l’Environnement et du Travail) alerte sur ce composant. Sur le
site sante.gouv.fr, nous lisons : « effets cancérogènes et
immunologiques notamment, effets sur le développement embryo-fœtal », et l'UFC
- Que Choisir considère comme très préoccupants les éthers de glycol car ils
sont capables de détruire la membrane cellulaire.
C’est
sur les mêmes arguments que FNE et l’UFC ont porté leur vote en abstention.
2 - Problèmes soulevés
par la Fédération Française des Pressings et Blanchisseries (FFPB).
Lorsque nous démarrons notre travail
sur ce dossier, les nouvelles obligations sont en
passe d’entrer en vigueur, mais les modalités
du plan de soutien annoncé par le Ministère de l’Ecologie ne sont toujours pas
précisées.
La FFPB s’alarme de l’absence de
plan de soutien à la profession. Inquiétude quant à l’échéance proche qui
exigera des investissements considérables pour une profession artisanale dont
l’activité ralentit depuis quelques années. La FFPB a demandé à être reçue par
le Ministère de l’Ecologie pour que soient précisées les aides prévues par les
Agences de l’Eau et l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie
(ADEME).
La FFPB s’interroge également sur le
manque de recul en termes d’alternatives au perchloréthylène. L’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire
de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) estime en
effet que « les propriétés de danger identifiées
et les incertitudes liées à l’absence de données essentielles ne permettent pas
en l’état actuel des connaissances de proposer un produit particulier en
substitution du perchloréthylène (…) ».
3 - Alternatives
au perchloréthylène.
Les produits de remplacement sont encore
peu utilisés et leurs risques sont évidemment mal connus. Risques pour les
usagers, pour l’environnement, risques d’inflammabilité de certains produits
dérivés du pétrole. Dans la mesure où ils sont moins volatils, ils seront moins
toxiques.
L'INERIS
(Institut National de l’Environnement Industriel) et l'ANSES travaillent sur
les substituts du perchloréthylène et de leur toxicité potentielle.
Lorsque
nous démarrons nos recherches sur les pressings, en mai 2013, aucune
information sur ce sujet n’apparaît sur leur site, quand bien même l’étude
devait être rendue fin 2012. A la clôture de ce dossier nous ne lisons pas
davantage d’étude qui aurait pu être menée... Et l’on peut lire par
ailleurs que l’un et l’autre auraient conclu : « Pour ces solvants,
les connaissances sur les effets potentiels sur la santé ou sur l’environnement
sont à approfondir » !
·
Les solvants alternatifs :
Le Siloxane
(D5), le décaméthylcyclopentasiloxanesilicone
liquide, un dérivé du pétrole et un hydrocarbure (KWL).
Le Siloxane (D5) et le KWL sont tous
deux issus des hydrocarbures. Comme le perchloréthylène, ils sont à manier avec
précaution et leur niveau de toxicité est encore méconnu. Cependant, ils sont
généralement considérés comme moins polluants que le perchloréthylène.
En France la société Sequoia, qui regroupe 17
boutiques, utilise ce procédé. Technologie brevetée sous le nom de « Greenearth. »
Le System
K4, le nouvel arrivant.
Fabriqué par la firme allemande
Kreussler et breveté au niveau mondial, le SOLVON K4 est un solvant organique
(c'est-à-dire contenant du carbone) sans halogène (les solvants halogénés étant
nocifs pour la couche d'ozone).
Selon Kreussler, il représente le meilleur compromis entre efficacité et
écologie et serait donc le solvant du futur. Il demande cependant l'utilisation
de machines de nettoyage spécialement adaptées. La machine peut également être
utilisée avec les solvants alternatifs KWL et siloxane (D5).
Aucun fournisseur à ce jour n'a fait
la demande d'une marque NF, ce qui lui permettrait de commercialiser les
machines de nettoyage à sec pouvant fonctionner au solvant K4.
·
Le nettoyage à l'eau :
Son appellation peut varier selon
les franchises et les systèmes : Wet cleaning, Aqua Cleaning, Aquanettoyage...
Il s'agit tout simplement de revenir à une méthode combinant eau (H2O) et
produits lessiviels. Ce procédé semble donc le plus naturel et le plus sûr en
matière d'environnement. Toutefois, les résultats obtenus sont inégaux, alors
va-t-il être choisi par les pressings ? De plus il nécessite une grande
quantité d’eau et ce
système rejette de l’eau contenant des produits détergents dans le réseau d’eaux
usées.
Un pressing « H2O » à Paris
utilise cette méthode depuis deux ans et elle fonctionne très bien, nous
ont-ils dit.
D’après les contacts avec le service ICPE de la
préfecture, nombre de pressings semblent opter pour cette solution.
·
Le nettoyage au CO2 (gaz carbonique)
liquide :
Développé par l'Agence pour
l'Environnement Américaine, le CO2 est incorporé sous forme liquide
à un détergent, fournissant du même coup un débouché pour recycler les rejets
industriels. C'est le compromis le plus prometteur. Il reste cependant cher et
n'est de toute façon pas encore parvenu en France. Toutefois
ce CO2 ne se retrouvera-t-il pas dans l’atmosphère ? Affaire à suivre...
Conclusion :
On
peut dire sans se tromper que le pressing écologique n'existe pas encore. Un
nettoyage efficace des textiles reste polluant. Tout au plus peut-on parler
d'améliorations et de compromis plus acceptables.
4 - La gestion des boues produites par la machine de nettoyage à sec.
Les boues contenant du
perchloréthylène sont des déchets dangereux d'activités économiques et doivent
faire l'objet d'un traitement spécifique. Pour ce faire, plusieurs
étapes : faire enlever, collecter et traiter les déchets (boues produites
par la machine) par des collecteurs agréés (qui peuvent être conventionnés par
l'Agence de l'Eau), remplir un Bordereau de Suivi des Déchets Dangereux
(BSDD), un justificatif d’élimination présentable pendant 5 ans, remplir un
registre des déchets dangereux produits (nature, tonnage, filière
d'élimination...).
Les boues contenant du perchloréthylène
doivent être éliminées dans des installations réglementées à cet effet.
L'épandage des boues est interdit.
L'Agence de l'eau Seine Normandie aide financièrement
la mise en place de dispositif de traitement des eaux de contact si elle
accompagne un changement de machine de
nettoyage à sec par des technologies de substitution (pressings fonctionnant
aux hydrocarbures, Aquanettoyage...).
5 - Les pressings à Villejuif.
D’après la responsable du service préfectoral, il y a 3 pressings en
activité :
- Shiva, 66 rue Jean Jaurès
- Pressing 28, rue Le Bigot
- 5 à Sec Carrefour, 67 av Stalingrad
Retouche Delaune 52 ter serait en
cessation d’activité. Mais en fait, il nous semble fonctionner toujours !
Toujours selon ce service, des pressings fonctionnent
sans aucune déclaration à la préfecture. Certains responsables ne savent
sûrement rien de la réglementation, ce sont souvent des étrangers, ils
connaissent mal la langue et ne suivent pas les stages à la Chambre des
Métiers… Aussi peuvent-ils facilement jeter les boues dans les égouts, les WC.
Elle cite en exemple un 5 à sec dans une autre commune. Elle affirme enfin que tous les pressings
seront visités en 2013.
Il y a actuellement 7 contrôleurs et une chef pour le
département, qui comprend 47
communes !
6 - L’action de notre association.
Nous avons agi dans 2
directions : d’abord, enquêter auprès de pressings (hors Villejuif) qui
ont adopté une autre technique que celle du perchloréthylène, ensuite enquêter
auprès des pressings villejuifois pour voir comment la nouvelle réglementation
se met en place.
Hors Villejuif, nous avons regardé les devantures des
pressings parisiens. Sans généraliser, puisque ceux repérés ne représentent qu’un
faible pourcentage, le passage au nettoyage à l’eau, au siloxane, ou au CO2 ne semble
pas faire, encore, l’unanimité de la profession.
A Villejuif, la nouvelle législation sur le nettoyage
à sec se met en place.
Voyons cela :
Ø Nous
apprenons que le « Pressing 28 » rue Le Bigot a choisi le
siloxane et que le changement de leurs machines prévu rapidement correspond à
la fin de vie de leur ancienne installation, ils ne sont donc pas financièrement
contrariés par ce changement. Mais lors d’une deuxième visite la gérante nous
dit avoir 2 ans devant elle pour changer son installation. Aussi, nous rendons régulièrement
visite à la gérante pour connaître l’avancement de ses démarches… Nous
comprenons qu’elle n’est pas certaine de garder ce pressing. D’où certainement
la lenteur quant à la décision d’un changement. Les mois et années passent… Le
27 avril 2016, les machines prévues pour un nettoyage sans perchloréthylène
viennent de lui être livrées et sont en fonction le samedi 30 qui suit. La gérante
opte finalement pour l’aquanettoyage.
Ø
Nous contactons à nouveau le service des Installations
Classées pour signaler que le pressing Delaune est bel et
bien en activité. Pourtant, dit-elle, une visite de 18 septembre 2 012 aurait
constaté l’arrêt de l’activité de cette entreprise, et que la machine de
nettoyage à sec aurait été vidée mais pas retirée comme elle le devrait.
Pour en
avoir le cœur net, nous rendons visite au responsable et nous comprenons
qu’il s’agit à la fois d’une retoucherie et d’un dépôt de linge, qui
vraisemblablement doit être redirigé vers un pressing, Nous n’en saurons pas
davantage, en raison de la barrière de la langue. Dans la boutique, nous
pouvons voir deux machines à laver inopérantes. Il est donc avéré qu'il ne
s'agit plus d'un pressing.
Ø
L’Euro pressing situé
au 84 bis rue Jean Jaurès et qui apparaît comme archivé depuis 2 011 par le
service ICPE de la préfecture est bel et bien en activité. Lorsque nous y
passons, la méfiance de la personne qui nous reçoit ne livre aucun élément
sur l’utilisation ou non du perchlo et elle ne semble rien connaître de la
nouvelle législation concernant le lavage à sec. Nous parvenons tout juste à
savoir qu’ils attendent des devis pour un changement de machine et qu’ils sont
installés depuis 3 ans, soit avant le constat de la cessation de ce
pressing par la préfecture !
Après un
contact téléphonique avec le service des ICPE de la préfecture pour signaler
l’activité de ce pressing, celui-ci nous demande de leur adresser un courrier
pour confirmer l’existence de ce pressing. Ce que nous faisons le 15 septembre
2013.
Leur réponse
tardive, du 5 décembre, nous informe que ce pressing a reçu une visite de
contrôle et que le gérant a deux mois pour que les installations soient mises
aux normes (électricité, extincteurs et machine de nettoyage à sec).
Concernant
son référencement en tant que pressing en activité et son classement comme
ICPE, la mise à jour a été faite en date du 6/3/2014 sur le site de la
préfecture.
Début 2015
leur machine leur est finalement livrée…
Ø
Le 5 à sec. Lors de
notre dernier contact avec le service ICPE au mois de juillet 2013, la
responsable nous précise que le 5 à sec n’est plus référencé comme
ICPE puisque leur machine de nettoyage à sec est passée à l’aquanettoyage.
Information différente de celle obtenue lors de notre précédent contact. Cette
modification pas encore corrigée sur le site des ICPE de la préfecture le sera
lors de la mise à jour du site des ICPE de mars 2014.
Ø Le pressing
Shiva affiche aquanettoyage sur sa vitrine. Plusieurs « Shiva »
sont installés dans le 94. Ils travaillent beaucoup, en particulier avec
l’aéroport d’Orly. Selon la gérante il faudra désormais de gros moyens
financiers pour maintenir un pressing (aux normes) et le nettoyage sera de plus
en plus cher. Lors
d’une nouvelle visite, le 12 novembre 2013, la gérante est très en colère
contre notre association car, nous apprend-elle, nous aurions « porté
plainte » contre son pressing et nous aurions provoqué l’inspection de ses
installations ! La cordialité retrouvée, nous comprenons que les
contrôleurs (ou la préfecture ou les deux) ont confondu Shiva et Euro-pressing
suite à notre lettre signifiant que ce dernier est toujours en activité. La gérante
n’est pas inquiétée puisque son installation (électricité, aération etc.…) est
aux normes et que le passage au nettoyage à sec sans l’utilisation du perchlo
est déjà acté.
Début mars
2014 la subvention accordée par l’agence de l’eau et de l’ADEME lui est versée pour passer
à l’aquanettoyage. Sa machine lui est livrée en juin 2014.
Voici un tableau récapitulatif :
Nom du pressing |
adresse |
Produit
utilisé au début de notre enquête |
Nombre
approximatif de visites |
Date
approximative de changement de produit |
Produit
utilisé à la fin de notre enquête |
Shiva |
66 rue Jean
Jaurès |
perchlo |
6 |
Juin 2014 |
Aquanettoyage |
Euro
Pressing |
84 bis rue
Jean Jaurès |
idem |
3 |
Début 2015 |
aquanettoyage |
Pressing 28 |
28 rue Le
Bigot |
idem |
5 |
Avril 2016 |
aquanettoyage |
5 à sec |
Carrefour 67 av
Stalingrad |
idem |
0 |
2013 |
aquanettoyage |
Nous
pouvons nous réjouir de cette nouvelle qui nous permet de clore ce
dossier ! Plus aucun pressing de Villejuif ne fonctionne avec ce solvant
qu’est le perchloréthylène, polluant pour l’environnement et toxique pour les
êtres vivants.
Nos
interventions et visites répétées auprès de l’ensemble des pressings ainsi que
les contacts avec le service des Installations Classées de la préfecture nous
laissent croire que nous avons peut-être favorisé l’accélération de la mise en
place du procédé de lavage à sec utilisant désormais des substances pas ou
moins nocives et obéissant aux nouvelles normes règlementaires !
Version
définitive, septembre 2016