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Atmostat et le béryllium

Rapport de synthèse des travaux de l’association

 

Ce document a pour fonction de faire le point sur l’activité de l’association Agir à Villejuif à propos de cette entreprise, sur ce que nous avons appris à cette occasion, et sur les pistes de travail qu’il nous reste à explorer pour aboutir à une situation que les riverains du centre-ville n’auront plus à redouter. Il ne s’agit en aucun cas de clore le dossier.

  1. Un profil inquiétant.
  2. Lors de la réunion publique du 17 avril 2 004, réunion qui a décidé de la création de notre association, il a déjà été question de l’entreprise Atmostat. Cette réunion avait été appelée sur la seule affaire Debus. Mais, parmi la cinquantaine de personnes présentes, plusieurs sont intervenues pour s’inquiéter des risques possibles présentés par la proximité de cette entreprise. Certaines signalent s’être présentées à la porte de l’entreprise pour se plaindre de nuisances (bruits, fumées), et s’être fait éconduire. D’autres critiquent une politique du secret mise en œuvre par l’entreprise.

    Nous nous renseignons rapidement, et apprenons deux choses importantes. En premier lieu, cette entreprise manipule du béryllium, ce qui en fait une Installation Classée pour la Protection de l’Environnement. Ensuite, elle travaille pour l’armée, et est à ce titre couverte par le secret défense. Cela ne laisse pas de nous inquiéter. C’est la raison pour laquelle nous nous tournons vers la municipalité d’abord pour savoir si ses responsables sont en contact avec l’entreprise et ce qu’ils en savent, mais aussi pour nous introduire auprès de ses dirigeants.

  3. Qu’est-ce que le béryllium ?

Contrairement à l’uranium stocké dans l’entreprise Debus, le béryllium (symbole chimique Be, que nous utiliserons dans la suite de ce document) ne présente pas de danger sur le plan radioactif. A l’état naturel, il n’existe pas d’isotope radioactif. Cet élément se trouve sous la forme d’un seul isotope, stable. Il s’agit d’un métal.

Le Be a le point de fusion le plus élevé de tous les métaux légers. Il est plus léger et six fois plus résistant que l’aluminium. Il est en conséquence principalement employé comme agent durcissant dans certains alliages, notamment le moldamax, un alliage de cuivre-béryllium utilisé pour la fabrication de moules pour matières plastiques. Le béryllium est également utilisé dans des réacteurs nucléaires, comme composant de céramiques industrielles, en micro-électronique, ainsi qu’en dentisterie.

Ses alliages sont à la fois légers, rigides, résistants à la chaleur et possèdent un faible coefficient de dilatation. Le Be est incorporé dans certains alliages spéciaux, par exemple des matériaux utilisables pour le frottement.

 

3- Quels sont les dangers du béryllium ?

Revers de la médaille, le Be est hautement toxique et cancérogène. Pas sous forme de bloc de métal mais sous forme de poussières. En effet, lors de son usinage, des poussières sont émises, et, s’agissant d’un métal léger, ces poussières stationnent dans l’atmosphère ambiante si rien n’est fait pour l’éviter. Elles peuvent provoquer des lésions cutanées aux mains et aux bras.

Surtout, une fois inhalées, ces particules se fixent dans les alvéoles pulmonaires et peuvent y provoquer le cancer du poumon, ou une maladie appelée bérylliose. La bérylliose se développe en deux phases. La première phase est la sensibilisation au Be. Il s’agit d’une phase d’allergie sans réaction, sans symptôme apparent. Il existe un test sanguin, visant les lymphocytes, pour détecter la sensibilisation.

La seconde est le déclenchement de la maladie. Celle-ci peut se développer sous deux formes : une forme aiguë, qui se manifeste en cours d’exposition, et une forme chronique, qui peut se déclencher avec une latence de plusieurs années après l’exposition. Les symptômes de la bérylliose sont la toux, les difficultés respiratoires, les douleurs articulaires, la fièvre, les sueurs nocturnes, la perte de poids et/ou d’appétit, la grande fatigue.

Ajoutons que la bérylliose sous sa forme aiguë est parfois diagnostiquée comme sarcoïdose, en raison de symptômes similaires : formation de granulomes, déclin de la fonction respiratoire, fatigue extrême.

  1. Quelles sont les mesures prises pour éviter la bérylliose ?
  2. Dans les années 1 940, la maladie est repérée chez les travailleurs exposés au Be, elle est décrite, et des recommandations sont faites pour éviter la maladie dans les lieux de travail. Il s’agit de diminuer la concentration de poussière de Be dans l’air ambiant, et pour cela de privilégier les procédés humides, de ventiler et/ou de confiner les lieux où est usiné le Be, de restreindre l’accès à ces zones, de développer l’hygiène individuelle (vestiaire double, interdiction de manger, de boire et de fumer sur le lieu de travail), et de surveiller les rejets dans l’environnement.

    Les pays qui sont les plus gros utilisateurs de Be ont édicté des normes. En France, la valeur limite de moyenne d’exposition (VME) est fixée à 2 µg/m3 (2 microgrammes par mètre cube, soit 2 millionièmes de gramme par mètre cube). Plusieurs études scientifiques ont montré que cette valeur ne protège pas efficacement les travailleurs. C’est pourquoi la norme pourrait évoluer dans l’avenir. Nous en reparlerons plus bas.

  3. L’action de la municipalité.
  4. Madame CORDILLOT, maire de Villejuif, nous a reçus longuement le 1er juin 2 004, peu de temps après la constitution de notre association, et sur le dossier Atmostat a exprimé sa volonté d’obtenir des informations pour pouvoir intervenir relativement aux risques que pourraient encourir tant les salariés de l’entreprise que les populations environnantes. Elle nous a dit ne pas avoir été sensibilisée précédemment à la problématique du Be, mais a écouté nos premiers résultats d’enquête avec intérêt. Elle a promis de nous aider à nouer le contact avec les responsables de l’entreprise, qu’elle avait déjà visitée.

    De fait, c’est Monsieur BENISTI, alors directeur du service Hygiène et cadre de vie, qui prendra ce contact, et organisera la visite de l’entreprise que nous allons relater maintenant.

  5. Notre première visite dans l’entreprise.
  6. C’est le 14 janvier 2 005 qu’une délégation composée de Monsieur BENISTI et de trois responsables de notre association a été reçue par le directeur d’Atmostat accompagné de deux de ses collaborateurs. La réception fur courtoise.

    Elle débuta par une présentation de l’entreprise et du groupe PIB auquel elle est rattachée. Ce fut l’occasion d’apprendre que l’entreprise n’utilise pas que le Be. Elle travaille pour le CEA, plus précisément pour sa Direction des Affaires Militaires : fabrication des éléments extérieurs de missiles et d’armes nucléaires  (coiffe de tête d’ogive, fuselage... ), mais aussi pour SAGEM, THALES, … L’atelier d’usinage du Be se trouve en sous-sol, avec un système de double filtrage, les machines utilisent un système d’aspiration en plus de celui qui se trouve monté d’origine, et filtres et survêtements des ouvriers sont évacués par une entreprise spécialisée. Avant 2 002, les résidus liquides étaient accumulés dans une cuve souterraine où ils étaient analysés avant d’être rejetés à l’égout. Ils contenaient très peu de Be. Depuis, ils sont recueillis dans un container étanche, et évacué par une entreprise spécialisée. L’air est analysé quotidiennement, tant dans l’atelier Be que dans le reste de l’entreprise. L’air rejeté par la climatisation est au taux 0 en Be, grâce à l’utilisation de filtres également utilisés dans les centrales nucléaires. Enfin, ils s’engagent à réduire les nuisances subies par les riverains et dues au bruit et aux fumées.

    Ensuite a eu lieu une visite détaillée, y compris de l’atelier Be (l’entreprise ne fonctionnait pas au moment de la visite). Nous avons ressenti une grande volonté de transparence. Même des coiffes d’ogives de missiles étaient visibles, ce à quoi nous ne nous attendions pas ! On nous a montré tous les locaux, et expliqué le fonctionnement de tous les ateliers.

    Le seul point noir au terme de cette visite concerne les services de secours. Il n’existe pas de plan particulier d’intervention des pompiers dans l’entreprise, celui-ci n’est pas obligatoire. Les dirigeants de l’entreprise nous proposent de nous tourner vers les pompiers pour savoir comment les riverains sont informés des risques et du comportement qu’ils doivent adopter en cas de sinistre. Or, on le verra, cette démarche n’aboutira pas.

  7. Le document Instructions de sécurité.
  8. Lors de la visite, on nous a promis de nous transmettre le document interne concernant la sécurité par rapport au Be. Nous avons effectivement reçu ce document, qui nous a appris un certain nombre de choses.

    L’atelier concerné est maintenu en dépression, y compris en dehors des périodes ouvrées, l’air qui en est extrait est filtré sur des filtres ininflammables. L’entretien est régulier : nettoyage journalier en fonction des prélèvements ; nettoyage des sols 2 fois par semaine à l’aide d’aspirateurs qui récupèrent l’eau de lavage ; évacuation en fûts des filtres à copeaux ; tous les ans, lors des vacances d’été, changement des filtres du système de ventilation, décontamination des gaines d’aspiration.

    En cas d’incendie, priorité doit être donnée à l’appel aux pompiers. Un échange de mails à ce propos nous a permis d’apprendre qu’en fait, leur visite a été sollicitée par écrit, mais qu’ils n’y ont jamais donné suite.

    Si ce n’était ce dernier point noir, le document en question serait tout à fait rassurant, rien ne semblant laissé au hasard. Mais nous ne pouvons que nous demander si les pompiers connaissent cette entreprise, ses dangers, et les procédures à mettre en œuvre en cas de sinistre dans ou à côté.

    Enfin, le document était accompagné de relevés de mesure du Be dans l’air ambiant à l’intérieur du local spécialisé. Il s’agissait de 7 contrôles quotidiens, datés, de l’air dans l’atelier Be. Chaque contrôle porte sur 3 lieux successifs. Aucun d’entre eux ne présente de chiffre dépassant la norme.

  9. Une avancée pour les riverains.
  10. Durant notre visite, promesse nous avait été faite d’enquêter sur les nuisances dans le voisinage. Le même adhérent de notre association, qui s’était fait éconduire précédemment alors qu’il s’était présenté seul pour se plaindre du bruit et des fumées, a reçu début mai 2 005 la visite de 2 employés d'Atmostat (dont il est
    mitoyen), Après avoir constaté la réalité des nuisances qu’il subissait, Atmostat annonce qu’elle va surélever de 3 à 4 m sa cheminée. Le bruit excessif semble provenir de la ventilation du local contenant un compresseur. Le ventilateur va être changé et le local isolé phonétiquement.

    Ces travaux ont été réalisés en septembre 2 005. Nous en avons remercié par courrier les dirigeants de l’entreprise, au nom de tous les riverains. Nous avons salué là un résultat tangible de notre action.

  11. Un colloque au Canada.
  12. Nous avons suivi par internet interposé les préparatifs, puis les résultats d’une conférence internationale sur le Be qui s’est tenu au Canada, précisément au Québec en mars 2005. Pourquoi au Québec ? Il semble que la résurgence de bérylliose dans cette province du Canada ait stimulé les recherches, en particulier de la part de leur Institut de Recherche en Santé et en Sécurité du Travail (IRSST). Mais des représentants de plusieurs pays étaient présents pour faire part de leurs recherches. La France était représentée par l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS).

    Le compte rendu de la conférence, en français, se trouve à l’adresse :

    www.irsst.qc.ca/fr/_publicationirsst_100148.html

    Le compte rendu qu’en a fait l’INRS se trouve sur son site :

    www.inrs.fr

    Dans le moteur de recherche simple, taper : TD 142

    Il en ressort, pour l’essentiel, que la norme de 2 µg/m3 doit être divisée par 100 pour tenir compte des recherches effectuées un peu partout dans les pays qui utilisent ce métal. La préconisation est donc de 0,02 µg/m3 d’air en situation de travail. L’INRS justifie cette nouvelle proposition de norme par le fait qu’aucun cas de sensibilisation au béryllium ni de bérylliose pulmonaire n’a été relevé suite à une exposition en dessous de cette valeur.

  13. Notre seconde visite dans l’entreprise.

Forts de cette information, nous avons repris contact avec la direction d’Atmostat, afin d’enquêter sur la connaissance qu’ils ont de l’évolution possible de la norme, et de la façon dont ils s’y préparent. Nous avons donc sollicité un nouveau rendez-vous, et avons été conviés le 19 mai 2 006.

Ils connaissent bien ce sujet, ils ont suivi le colloque international au Québec qui a lancé la réflexion, actuellement reprise en France par l’INRS. Selon eux, le seuil réglementaire actuel de 2 µg/m3 d’air, qui a été remis en cause lors de ce colloque, correspondait quand il a été établi à la possibilité de contracter la bérylliose, la norme envisagée de 0,02 µg/m3 visant le seuil de sensibilisation au béryllium. Ce serait la protection absolue. Et, puisqu’ils peuvent tenir ce nouveau seuil, ils doivent le faire. Ils font remarquer que les mesures qu’ils réalisent les placent quasiment toujours sous ce nouveau seuil. Nous avons indiqué qu’à l’instar de la radioactivité, la notion de seuil pour le Be va peut-être se voir remis en cause dans un futur proche, parce que l’on aura découvert qu’il n’existe pas d’innocuité des faibles doses…

Depuis l’automne dernier, ils sont en partenariat avec la CRAMIF (Caisse Régionale d’Assurance Maladie d’Ile-de-France) pour un programme de prévention sur la protection des travailleurs. Celle-ci insiste sur la protection dermique. Une sensibilisation du personnel est donc faite pour les inciter à prendre des précautions, comme le port de gants, les méthodes et la fréquence des nettoyages, en particulier des mains. Si cependant ils ne parvenaient pas à passer sous le nouveau seuil, il y aurait négociation avec le personnel pour le port de masques qui n’est imposé actuellement qu’en cas d’alerte. Ils disent que le plus dur est de faire admettre les précautions au quotidien à leur personnel.

A la question sur la santé des employés depuis 20 ans que l’activité Be existe, ils nous ont répondu qu’une seule des personnes ayant fait des tests poussés s’est révélée sensibilisée au Be (test lymphocytaire positif). Ils ont considéré difficile de faire la part entre ce qui est dû à la prédisposition génétique et ce qui est dû au Be. En tous cas, il s’agit de sensibilisation, c’est-à-dire de la première phase de la bérylliose.

Nous avons également indiqué qu’à l’instar de la radioactivité, la notion de seuil pour le Be va peut-être se voir remis en cause dans un futur proche, parce que l’on aura découvert qu’il n’existe pas d’innocuité des faibles doses…

Concernant les pompiers, Monsieur BARBAZAN, le directeur, s’engage à leur redemander de venir, parce qu’il est conscient des risques pour l’environnement. Il émet cependant l’hypothèse selon laquelle les pompiers n’interviendraient pas n’importe comment, sachant au minimum qu’il s’agit d’une entreprise de travail des métaux.

Nous en avons profité pour demander s’il leur était possible techniquement de réaliser des mesures sur l’air rejeté à l’extérieur de l’entreprise. S’agissant d’un matériel portatif, la réponse est positive. D’ailleurs, ils ont réalisé de telles mesures, qui se sont toujours avérées négatives. Ils s’engagent à nous en communiquer les résultats, et même à nous proposer d’être présents lors d’une telle mesure, qui n’aura d’intérêt que lors d’une activité soutenue de cet atelier, ce qui n’est pas le cas actuellement.

  1. Le feuilleton des mesures.

En octobre 2 006, nous avons envoyé un premier mail rappelant cette promesse, et indiquant que nous sommes toujours intéressés. Ce mail est resté sans réponse.

En mai 2 007, un nouveau mail a obtenu cette fois une réponse. L’entreprise rappelait que de telles mesures sont peu fréquentes, en raison de l’activité réduite dans la période de l’atelier Be. Et la réponse était accompagnée du compte rendu de la dernière séance de mesure, qui s’était tenue … le 22 mai 2 006. Soit le lundi suivant le vendredi 19 mai de notre visite.

Ne comprenant pas que l’on nous promette de nous convier lors d’une prochaine séance de mesure, et que celle-ci soit réalisée le jour ouvré suivant notre visite, sans nous en informer, nous nous sommes de nouveau tournés vers les dirigeants de l’entreprise. Ceux-ci nous ont expliqué que l’ingénieur responsable de ces mesures organise son travail sans informer les responsables de l’entreprise au préalable, mais uniquement ces mesures une fois réalisées. Nous avons accepté cette explication, et réitéré notre intérêt à pouvoir assister à la prochaine séance.

Toujours est-il que le résultat de la mesure de mai 2 006 est de 0 µg/m3, ce qui serait tout à fait rassurant si nous connaissions la précision avec laquelle leur appareil peut rechercher la présence de Be. Dans le même courrier à l’entreprise, nous avons demandé quelle est cette précision. Nous avons obtenu une réponse détaillée, sous forme d’une note de l’ingénieur qui a conçu la procédure, en collaboration avec la CRAMIF. La détection limite est de 6x10-3 µg/mL, la sensibilité de 10-3 µg/mL. Nous ne sommes pas sûrs de bien savoir relier les 3 données précédentes. C’est la raison pour laquelle, dans la réponse mentionnée plus haut, nous avons souhaité, si possible, rencontrer l’un ou l’autre des ingénieurs pour des explications complémentaires dans ce domaine.

12- Troisième visite dans l’entreprise.

Nous avons été reçus le 14 mars 2 008 par Monsieur BITOUN, adjoint du chef d’entreprise, que nous avons rencontré à deux reprises, accompagné de Monsieur ZAAGUG, ingénieur qui a conçu le protocole de mesures sur le béryllium (Be).

Nous avons d’abord appris que l’activité Be est toujours très faible, mais qu’un contrat pour la confection d’une partie des tuiles destinées au projet ITER a été signé, qui va réactiver cet atelier. Mais les systèmes de dépression de l’atelier Be, de filtration de l’air, et de mesures régulières, sont toujours en fonctionnement.

Le spectromètre fonctionne correctement, mais sa partie informatique, obsolète, plante régulièrement. L’appareil va donc être changé. La précision de l’actuel est de 1%, celle du suivant de 0,5%. Il devrait être livré d’ici 3 semaines.

Cette précision donne l’écart entre plusieurs mesures successives réalisées à partir d’un même échantillon. Concrètement, à partir d’un frottis effectué sur la grille extérieure, une solution liquide est faite. C’est l’échantillon de départ, qui est introduit dans le spectromètre. Celui-ci en prélève des parties afin de réaliser plusieurs mesures successives. Ces petites parties de la solution de départ sont vaporisées dans une flamme émettant une lumière de référence. S’il y a présence de Be, la lumière est modifiée de telle façon que la comparaison avec la lumière de référence traduit la concentration éventuelle en Be. La limite de détection est de 6x10-4 µg/mL. Cela correspond à 6 dix-millièmes de millionièmes de gramme dans un millilitre de la solution. A ce propos, Monsieur ZAAGUG indique une première erreur dans son document d’octobre 2 007, erreur due à l’ingénieur de l’entreprise qui fabrique le spectromètre : cette limite est bien de 6x10-4 µg/mL, et non 6x10-3, comme indiqué dans le document technique accompagnant l’appareil. Cette limite de détection correspond à 3 fois le bruit de fond de l’appareil.

Les performances de l’appareil sont régulièrement vérifiées grâce à des échantillons de référence fournis par la CRAMIF.

Seconde erreur du document, reproduite par Monsieur ZAAGUG dans sa note : la sensibilité de l’appareil n’est pas de 10-3 µg/mL, mais de 10-2. Il s’agit de la possibilité de l’appareil de distinguer entre deux solutions différentes.

Nous avons ainsi acquis la conviction qu’il n’y a effectivement pas de trace décelable de Be dans l’air rejeté à l’extérieur de l’entreprise.

Nous en avons profité pour poser la question de l’évolution éventuelle de la norme, c’est à dire la valeur maximale d’exposition, de 2 µg/m3 à 0,02. Monsieur BITOUN sait que cette évolution est en discussion, mais cette évolution serait freinée par certains qui remettent en cause le test lymphocytaire de sensibilisation au motif qu’il manquerait de sensibilité.

Monsieur BITOUN nous a ensuite proposé de faire la visite de l’entreprise. Nous avons donc vu la totalité de l’entreprise, y compris l’atelier Be. Nous avons été étonnés de voir à divers endroits, y compris dans cet atelier, des machines traditionnelles au côté de monstres de technologie. Nous avons vu les pièces fabriquées, dont des valves pour des satellites civils, et d’autres pièces sur lesquelles il est passé rapidement, sans doute des têtes de missiles.

Monsieur BITOUN nous a ensuite proposé, afin d’être exhaustif, de nous faire visiter l’ancien site de Métacéram, qu’ils louent maintenant afin d’y implanter des ateliers, dans le but de décompresser leur premier site, qui se trouve très encombré. Il n’est pas question d’y implanter un atelier Be. Nous y avons vu des locaux en cours d’installation, et avons pu vérifier ainsi que Métacéram en a complètement disparu. En revanche, des locaux à l’étage sont utilisés pour des bureaux de leur groupe, PIB (qui va sans doute évoluer, en devenant une filiale d’un plus grand holding). Ces bureaux sont d’ailleurs fléchés, et accessibles, à partir de la rue Paul Bert.

    13- Notre enquête épidémiologique.

    Afin de vérifier s’il n’y a eu aucun cas de bérylliose dans la population, nous avons décidé d’enquêter auprès des médecins de Villejuif. Nous avons envoyé, en octobre 2 006, un courrier à tous les généralistes répertoriés dans les pages jaunes du Bottin (42 praticiens) leur demandant s’ils n’ont jamais rencontré les symptômes de cette maladie parmi leurs patients. Malheureusement, nous n’avons eu aucune réponse à ce courrier postal.

    Une relance a ensuite été faite par téléphone auprès de 8 d’entre eux, celles et ceux dont le cabinet se situe plutôt en centre-ville. On ne peut donc parler d’enquête exhaustive. Toutefois, si plusieurs d’entre eux relèvent des aggravations des affections de la sphère ORL, dues selon eux à la pollution en général, aucun ne fait de lien avec le Be.

    14- La visite des pompiers.

    Nos investigations nous ont amenés à la conviction qu’en temps ordinaires il n’y a pas de danger pour la population avoisinante. En revanche, en cas d’accident, comme l’incendie, nous sommes fondés à craindre une dispersion de produits hautement toxiques dans l’environnement immédiat. C’est pourquoi nous voulions savoir si les pompiers disposaient d’instructions spécifiques pour d’éventuelles interventions dans cette entreprise classée. Un premier courrier, au printemps 2 005, auprès du précédent adjudant, est resté sans réponse. Un contact téléphonique avec son subordonné nous a permis d’apprendre qu’ils ne souhaitaient pas avoir de rapport avec nous, mais surtout qu’ils ignoraient l’existence des entreprises citées (Debus et Atmostat) et leur dangerosité. Nous sommes persuadés qu’on n’intervient pas de la même manière sur un incendie de poubelle, ou sur celui d’une entreprise utilisant des produits toxiques. Un nouveau courrier au nouvel adjudant en octobre 2005 n’a pas connu un meilleur succès. Lors de la cérémonie des vœux 2006, ni le commandant de district, ni les subordonnés de l’adjudant, avec qui nous avons pu parler à cette occasion, n’ont tenu un discours différent. A peine les subordonnés ont-ils émis une vague promesse d’en parler à leur adjudant. Ce qui n’eut aucun effet.

    La mairie, sollicitée par nous pour nous aider à trouver ce contact qui nous semble utile dans l’intérêt des habitants, a promis de nous aider en faisant eux-mêmes un courrier à l’adjudant facilitant ce contact. C’est le nouveau directeur des services techniques, Monsieur BENISTI, qui a pris ce contact oralement. Il en ressort qu’en vertu du règlement militaire des sapeurs-pompiers, ils ne peuvent avoir de rapports avec une association, excepté l’hypothèse où le préfet le leur ordonnerait. Nous avons donc écrit au préfet en ce sens en avril 2 006. Celui-ci nous a répondu en juillet 2 006 que le Bureau Prévention de la Brigade s’est livré à une inspection au terme de laquelle il ressort que le risque lié aux activités des 2 entreprises (nous avions lié Debus et Atmostat dans notre courrier) est extrêmement limité, et qu’il n’est par conséquent pas nécessaire de compter ces sociétés parmi les établissements signalés du secteur du centre de secours de Villejuif. Il ajoute que, pour apaiser l’inquiétude, légitime, des riverains, de nouvelles visites seront programmées.

    Plusieurs réflexions nous sont venues. D’abord, si les risques sont extrêmement limités au point de ne pas compter ces entreprises parmi les établissements signalés, pourquoi notre inquiétude est-elle légitime ? Et pourquoi programmer de nouvelles visites ? Ensuite, ce qui nous importe, c’est la connaissance par les hommes du centre de secours de Villejuif des caractéristiques de ces entreprises, des matériaux entreposés, de leurs dangers, et des procédures à mettre en œuvre en cas de sinistre.

    De fait, un adhérent de l’association a été témoin de la visite des pompiers chez Atmostat. Certes, l’entreprise avait fait un nouveau courrier de demande de visite aux pompiers, mais nous avons la faiblesse de penser que notre intervention auprès du préfet n’est pas pour rien dans cette avancée.

    15- Evolution de la législation.

    Dans nos débats est apparue l’idée suivante. Il paraît normal que la législation impose au vendeur d’un bien immobilier d’informer son acheteur éventuel sur l’existence de plomb, d’amiante, de termites dans les locaux concernés. Pourquoi ne verrait-on pas évoluer la législation vers une information sur l’existence d’Installations Classées pour la Protection de l‘Environnement dans un périmètre raisonnable autour de cette habitation ? Et pourquoi cette information serait-elle seulement au bénéfice de l’acquéreur, et pas au signataire d’un bail de location ?

    Nous avons donc rencontré sur cette problématique Alain LIPIETZ, député européen, et habitant Villejuif, le 1er avril 2 005, pour lui demander si cette évolution sur le plan législatif pourrait s’envisager dans la législation européenne, ou dans la législation nationale. Il nous a appris que, pour l’heure, ce qui concerne l’immobilier est considéré par l’Europe comme du ressort des gouvernements nationaux. Mais il existe une directive sur la responsabilité des entreprises sur le plan environnemental, qui devait d’une transposition en droit français. Cela pourrait être l’occasion d’y introduire l’obligation de l’information sur l’existence d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement dans un certain périmètre autour du logement concerné. Il nous incitait donc à contacter un député susceptible de proposer l’intégration de cette idée lors de la transposition.

    Le député de notre circonscription, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, sollicité depuis novembre 2 004, a fini par nous accorder un entretien le 4 avril 2 005. Il a trouvé la démarche pertinente, et l’idée intéressante. Il a attiré notre attention sur le fait que, dans la transposition d’une directive, on ne peut introduire d’éléments nouveaux. La loi Habitat qui devait venir en débat au parlement en juin 2 005 est une autre occasion. Une dernière piste soulevée : les aspects de la loi Voynet non encore réglés par décrets. Il nous promettait d’examiner la proposition avec les députés de son groupe parlementaire, puis de nous tenir informés très rapidement.

    Nous avons rencontré de nouveau Jean-Yves LE BOUILLONNEC à sa demande le 5 juillet 2006. Il nous a exposé l’histoire de la loi dite ENL (Engagement National sur le Logement), dont il était rapporteur au titre de son groupe parlementaire. Il s’agissait de la transcription d’une directive européenne, mais le texte définitif est très en retrait par rapport à cette directive. Le texte initial, rédigé en 2 004, comprenait davantage de mesures, mais celles-ci ont été retirées depuis. Nous avons noté que la loi intègre l’obligation d’information de l’acheteur d’un bien immobilier sur l’existence d’Installations Classées Seveso à proximité, ce que nous considérons comme un pas dans le sens de notre demande. Il a reconnu qu’il n’avait pas intégré l’aspect location dans son travail sur cette loi. Et il nous a expliqué qu’à l’heure actuelle, les élus (maires, …) sont démunis dans le domaine des déchets industriels d’instruments réglementaires pour, par exemple, faire évacuer des déchets. Il aurait souhaité faire intégrer cette dimension dans la loi, mais sans succès.

    16- Un comité de surveillance ?

Madame CORDILLOT, maire de Villejuif, nous avait donc reçus le 1er juin 2 004. Dans le débat sur le dossier Atmostat, elle a émis l’idée de proposer au chef d’entreprise une table ronde avec les représentants associatifs, la municipalité, et les autorités de tutelle. Elle étend ensuite cette proposition à l’ensemble des entreprises classées de la commune. Il pourrait même s’agir d’une sorte de comité de surveillance se réunissant annuellement. Nous lui avons indiqué que nous accueillons favorablement cette proposition, et que nous en débattrons lors de notre prochaine réunion de bureau.

Bien évidemment, notre bureau a repris cette idée à son compte. Malheureusement, elle n’avait pas reçu, à l’époque de la campagne pour les élections municipales, le début d’une mise en œuvre. Nous avons donc soumis cette proposition aux groupes politiques constitués dans le Conseil Municipal. Nous avons enregistré les réponses favorables des groupes communiste, socialiste et Verts-Villejuif Autrement. En revanche, le groupe Pour Villejuif ne nous a pas répondu.

Forts de ces réponses, nous avons écrit à Madame Cordillot, nouvellement réélue, en avril 2 008, en lui soumettant une proposition concrète de composition et de fonctionnement de ce que nous avons appelé le Comité d’Information sur les Risques Technologiques. En effet, l’absence de contraintes, et donc de dénomination, réglementaires nous amène à proposer le terme Information qui fera moins peur aux acteurs économiques que nous souhaitons pouvoir réunir. De plus, le terme Technologiques est plus large que celui d’Industriels, et devrait permettre de s’intéresser à des installations que l’on ne peut qualifier de telles, par exemple les antennes-relais de téléphonie mobile.

Nous sommes dans l’attente des réactions de la municipalité à cette proposition.

Conclusion.

On l’aura compris à la lecture de cette synthèse, de nombreuses pistes de travail se présentent à nous. Nous entendons les suivre toutes, au rythme que permettra le faible nombre de militants de l’association, leur disponibilité limitée, et le fait que notre attention est sollicitée en même temps par d’autres dossiers. Mais, quand nous regardons le travail effectué depuis avril 2 004 au service de la population, nous n’avons pas à rougir de ses résultats, ce qui ne peut que nous inciter à poursuivre dans cette voie.

juin 2 008

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