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DECROISSANCE RADIOACTIVE

SUITE A LA PRISE D'UN MEDICAMENT

ETUDE DE CAS



Une adhérente de notre association a absorbé, dans le cadre d'un traitement médical, un comprimé d'iode 131.


Elle a demandé à pouvoir utiliser dans cette période le compteur Geiger de l'association, ce qui est possible dans la mesure où il s'agit de la propriété de tous les adhérents, et qu'il est d'un maniement aisé.


Nous lui avons demandé de noter les valeurs de radioactivité qu'elle relevait, ce qui nous permet maintenant de présenter un court bilan de ces mesures.


Les résultats.


Voici tout d'abord le tableau des mesures qu'elle nous a communiquées, avec 2 colonnes de calculs effectués par nous. Il concerne les valeurs relevées à 20 cm de son corps :


jour

mesures

moyenne

moyenne sans la radioactivité naturelle

samedi

362-394-376

377

366

dimanche

256-258-294

269

258

lundi

240-247

244

233

mardi

Pas de mesure



mercredi

131-134-138

134

123

jeudi

124-108

116

105

vendredi

94-98

96

85

samedi

89-93

91

80

dimanche

Pas de mesure



lundi

80-89

85

74

mardi

Pas de mesure



mercredi

65-69

67

56


Méthodologie.


Il eût été préférable d'effectuer les mesures au contact du corps (par exemple contre l'emplacement de la thyroïde), de façon à éviter l'incertitude sur la distance. En effet, à moins de mesurer très précisément, les 20 cm peuvent s'avérer 15, ou 30, ce qui n'est pas pareil : les rayonnements se propageant dans toutes les directions de l'espace, un doublement de la distance aboutit à une division par 4 de ce qui est reçu par l'appareil, à émission égale. Les comparaisons d'une mesure à l'autre peuvent donc être un peu biaisées.


Le calcul de moyenne.


Notre adhérente nous indique que chaque valeur donnée est la moyenne de 3 mesures. Ce sont ces moyennes qui figurent dans la troisième colonne. Rappelons (voir notre exposé lors de la conférence « la radioactivité près de chez vous ») que notre compteur Geiger effectue un comptage pendant environ 30 secondes, affiche la valeur observée, puis recommence, affiche la valeur observée, donne la moyenne des deux, recommence encore, affiche la valeur observée, et donne maintenant la moyenne des trois, et continue tant qu'on ne l'arrête pas, en affichant à chaque fois la valeur observée et la moyenne des trois dernières mesures. Ce qui fait que 3 valeurs = 9 mesures, et 2 valeurs = 6 mesures. La CRIIRAD préconise de faire la moyenne de 10 mesures pour éviter de donner trop d'importance aux fluctuations aléatoires. Nous avons donc ici une autre source de valeurs un peu biaisées.


Prise en compte de la radioactivité naturelle.


Nous savons que la radioactivité naturelle est un phénomène inévitable, qui se rajoute à la radioactivité due à l'iode 131. Il convient donc de la soustraire si l'on veut se faire une idée de ce dernier phénomène seul. Mais quelle valeur adopter ? Lors de la catastrophe de Fukushima, nous avions constaté sur un grand nombre de mesures la valeur à Villejuif en extérieur de la radioactivité naturelle : environ 11 dans la même unité que celle utilisée ici. Si l'on divise par 100, on trouve cette valeur du débit de dose équivalente, en µSv/h, mais peu importe l'unité, cette étude peut se lire sans la maîtrise de cette unité. Nous allons considérer ici cette valeur de 11. Mais les mesures ont été effectuées dans l'habitation de l'adhérente, ce qui peut introduire une nouvelle distorsion. Cela dit, cette distorsion éventuelle serait suffisamment faible, et toujours la même, ce qui la rend relativement négligeable. Nous présentons donc dans la quatrième colonne la moyenne à laquelle nous avons retranché 11, représentant donc la radioactivité due à l'iode seul.


Ce sont ces valeurs que nous allons représenter dans un graphique présentant sur l'axe horizontal le temps qui passe, et sur l'axe vertical le niveau de radioactivité. Ce graphique est présenté en annexe. Il s'ouvre dans une autre fenêtre, ce qui vous permet de passer aisément du texte au graphique et réciproquement. 


Lecture du graphique.


Les valeurs données dans le tableau ci-dessus sont placées dans le graphique, et repérées par les croix rouges. Puisque nous ignorons si les mesures ont été prises à la même heure tous les jours, nous allons faire cette hypothèse, et placer les points à 1 jour d'écart, soit 2 cm sur l'axe horizontal. Nous avons ensuite tracé la courbe la plus harmonieuse possible passant par le maximum de points : c'est la courbe verte. Remarquons qu'un seul point se trouve nettement en dehors de la courbe, tous les autres se trouvant soit dessus, soit à proximité immédiate. Compte tenu des incertitudes évoquées ci-dessus, ce résultat est assez remarquable.


Ce type de courbe est appelé en mathématiques une exponentielle. Oui, il y a des exponentielles décroissantes, toutes ne sont pas là pour représenter des phénomènes croissants, auxquels on associe souvent ce terme d'exponentielle. On a donc une décroissance forte au début du phénomène, décroissance de moins en moins rapide à mesure de l'écoulement du temps. Bien sûr, ceux qui connaissent la façon dont se manifeste la radioactivité (ou qui se souviennent des explications données lors de la conférence sur la radioactivité) penseront à la période radioactive, durée au cours de laquelle la radioactivité diminue de moitié. Cette décroissance donne lieu également à une exponentielle décroissante quand on représente le phénomène sur un graphique.


Voyons quelle est la période de l'iode 131. C'est 8 jours. C'est-à-dire que si l'on mesure la radioactivité d'un objet contenant de l'iode, au bout de 8 jours, on n'en trouvera plus que la moitié. Est-ce bien le cas ici ? Prenons par exemple le moment où la radioactivité est de 300. La courbe nous indique que c'est à 1 cm de l'origine. La moitié de cette radioactivité nous donne donc 150. Nous sommes à 6,4 cm de l'origine. La différence est donc de 5,4 cm, et comme chaque jour est représenté par 2 cm, il s'est donc écoulé 5,4/2 = 2,7 jours. Nous sommes loin des 8 jours attendus.


Quelle est l'explication de cette discordance ? Contrairement à ce qui était évoqué plus haut, le corps humain n'est pas un objet inerte, mais un organisme vivant qui absorbe des éléments et les excrète de façon permanente. Concernant la thyroïde, on sait qu'elle a besoin d'iode pour fonctionner, c'est-à-dire synthétiser les hormones thyroïdiennes, notamment la thyroxine, qui agissent sur l'ensemble du fonctionnement de l'organisme. Le besoin en est donc permanent. On trouve l'iode principalement dans les produits de la mer (sel marin, poisson, crustacés, algues et mollusques). Cela explique les pathologies touchant les habitants des zones éloignées des mers et n'en consommant jamais les produits. D'où par exemple la supplémentation en iode dans l'eau du robinet en Suisse. C'est cette élimination de l'iode qui explique la décroissance beaucoup plus rapide qu'attendue de la radioactivité qui a été mesurée : les deux phénomènes se conjuguent : décroissance radioactive et élimination organique, et ce que nous observons est la résultante des deux.


Utilisation médicale de l'iode 131.


L'iode 131 se forme dans les centrales nucléaires, puisqu'il s'agit d'un des produits de la désintégration de l'uranium. Il est également produit en masse lors de catastrophes nucléaires comme Tchernobyl ou Fukushima. Il est extrêmement radioactif : 4,6 X 1015 Bq/g (béquerels par gramme), c'est-à-dire près de 5 millions de milliards de désintégrations par seconde dans 1 gramme de cette matière ! Il est donc très toxique pour les êtres vivants, provoquant des mutations génétiques dans les cellules dans lesquelles il pénètre, voire la mort de ces cellules. D'où la vague de cancers de la thyroïde que l'on observe actuellement, près de 30 ans après le passage du nuage radioactif de Tchernobyl au-dessus de la France, et le refus des autorités de l'époque de reconnaître son existence, sa dangerosité, et donc de prendre les mesures préventives qui s'imposaient. C'est la raison pour laquelle les médecins ont posé à notre adhérente la question de savoir où elle se trouvait lors de la catastrophe de Tchernobyl...


Alors, pourquoi son utilisation en médecine ? Et plus précisément en radiothérapie du cancer de la thyroïde ? Après ablation de la thyroïde, il n'est jamais exclu que certaines des cellules de cette glande soient encore présentes, en raison de la propension à la migration de ces cellules. Pour éviter la reprise du processus cancéreux, les médecins utilisent la propriété de l'iode 131 de tuer les cellules dans lesquelles il pénètre, en l'occurrence celles de la thyroïde. Plus la dose est massive, plus on a de certitude de leur destruction.


Certes, il n'est pas impossible que cette thérapie soit à l'origine d'un nouveau cancer dans 30 ans, mais l'avantage de la guérison aujourd'hui est considéré à juste titre comme supérieur au risque réel, mais éloigné dans le temps. Et il s'agit d'un risque, pas d'une certitude.


Voilà donc pourquoi, à compter de deux mois après l'opération, et durant un mois, notre adhérente ne pouvait manger ni poisson, ni fruits de mer, ni sel marin, de façon à ne plus avoir d'iode dans l'organisme au moment d'absorber ce comprimé d'iode 131. Cela s'est passé le lundi précédant le samedi de la première mesure qui figure dans le tableau ci-dessus. Pendant 4 jours, elle est ensuite restée à l'hôpital, en isolement total, et devait boire beaucoup pour accélérer l'évacuation de l'iode 131 après que celui-ci a fait son travail dans l'organisme. Le samedi suivant, soit 5 jours après l'ingestion, la radioactivité à 20 cm de son corps était encore environ 30 fois supérieure à la radioactivité naturelle ! Mais en raison des deux phénomènes que nous avons identifiés ci-dessus, décroissance radioactive et élimination par l'organisme, la diminution est très rapide, et heureusement pour elle et son entourage !

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