Accueil très courtois du directeur de l'usine de Villejuif, accompagné
du responsable financier et administratif et du responsable environnement. Pour
la Mairie, M. BENISTI, responsable du service hygiène cadre de vie. Pour
l'association, Yves VAUNAIZE, président, Eric ESCODA, président
adjoint, Alain HOUARD, membre du bureau. Pas de représentant d'autre
association ou organisme.
De 15 h à 18 h, visite en 3 temps. D'abord un premier échange
très approfondi, ensuite une visite proprement dite du site, enfin un
dernier échange.
Présentation
ATMOSTAT a été
créée à Villejuif il y a 50 ans, pour répondre à
des commandes de la Division des Applications Militaires du Commissariat
à l'Énergie Atomique (DAM-CEA), en clair pour des éléments
extérieurs de missiles et d'armes nucléaires : coiffe de tête
d'ogive, fuselage...
ATMOSTAT appartient au groupe PIB, qui possède aussi METACERAM à
Villejuif. A ce propos, cette unité est fusionnée avec PMB et
va aller s'installer en 2005 en province.
Outre le CEA, les clients d'ATMOSTAT sont SAGEM, Thalès, etc.
Le
chiffre d'affaires 2005 est d'environ 9 millions d'euros, dont 600 000 avec
les produits contenant du béryllium
(7 %), montant qui se réduit d'ailleurs (15% du chiffre d'affaires il
y a 4 ans).
Spécialité (1 seul autre concurrent en Europe, un gallois) : l'alliage
béryllium-aluminium, très léger et robuste. ATMOSTAT compte
une soixantaine de salariés.
Autre spécialité, l'usinage d'alliages d'aciers inoxydables, donc
sans béryllium ni aucun produit dangereux, soit au laser, soit à
froid, sous atmosphère contrôlée (chambre stérile
pour éviter des poussières qui détériorent les caractéristiques
physiques et moléculaires du produit).
Questions / réponses
Pour évaluer les réponses apportées, je fais le lien avec le panel des questions que nous avions préparées.
Est-ce que vous utilisez du béryllium ou un autre métal toxique ? Si c'est le cas : depuis quand, sous quelles formes (alliages) et en quelles quantités (pur, oxyde de béryllium, fluorure ) ?
Il y a du béryllium uniquement, mais pas sous forme d'oxyde ni de fluorure.
Ils n'utilisent pas non plus de poudre de béryllium facilement inflammable
: la seule poussière de béryllium est le résultat de l'usinage.
Ils ne font plus de bore (sans danger) : c'est ce que fait maintenant Métacéram
après le transfert de ses autres activités. Le béryllium
est usiné pour un alliage béryllium/aluminium à 40/60.
L'alliage est utilisé en appliquant les mêmes règles de
sécurité que pour le béryllium pur. Il est utilisé
depuis très longtemps, au moins 20 ans à Villejuif, toujours pour
les mêmes clients. La quantité est en diminution depuis 3 ans,
du fait du marché, car c'est un alliage très coûteux, le
CEA n'en prend plus, seul un client continue d'en souhaiter actuellement. Atmostat
conserve les lignes de production pour d'éventuelles commandes.
Il n'y a pas d'autre produit toxique utilisé, si l'on excepte de l'huile
de machine (un bidon lui-même sur bac d'étanchéité).
Quel est le circuit de ce métal dans vos ateliers,
réception, stockage, usinage, récupération et évacuation
des résidus solides ?
Comment sont évacués et traités les déchets contenant
du béryllium ?
Réception sous forme de barres de métal (inerte) provenant des
États-Unis.
Usinage dans un atelier en sous-sol, avec circuit d'air particulier (double
filtrage).
Les machines ont des capots avec deux aspirations : celle d'origine de la machine
et une autre sous le capot au plus prés de la source d'émission.
Résidus solides (particules, filtres, protections et survêtements
des salariés) conditionnés dans des containers, dans un local
à part puis évacués de façon distincte des déchets
normaux, par des entreprises spécialisées. Une armoire en béton
reçoit à l'extérieur les particules solides. Elle est coupe-feu
(2h l'armoire + 2h le container à l'intérieur). Le principal risque
avec le béryllium, c'est l'hydrogène car alors risque d'explosion
, donc ils veillent à éviter la rencontre du béryllium
avec l'eau, d'où circuits séparés, bacs étanches.
Y a-t-il des risques d'écoulement de l'eau de nettoyage de l'atelier béryllium vers les égouts ?
Résidus liquides après nettoyage recueilli depuis 3 ans dans
un circuit de récupération spécifique, qui ne part pas
dans les égouts mais dans des containers hermétiques également
évacués par les entreprises spécialisées. Ils sont
situés à l'extérieur, sont " très peu pollués
" et posés sur des supports permettant la récupération
du liquide en cas de fuite.
Auparavant, le liquide était accumulé dans une cuve souterraine
dont le contenu était analysé avant d'être évacué
par les égouts.
Procédez-vous à des analyses aux différents
stades de l'utilisation des métaux :
- sur la teneur en poussières de béryllium, sur la grosseur des
particules
- sur la présence en suspension ou autre, de matières dangereuses
- sur l'état des outils, des tuyauteries et des objets en contact avec
le béryllium ?
Oui, contrôle permanent de la composition de l'air par un technicien maison dont c'est le travail exclusif. Il effectue des prélèvements non seulement dans l'atelier béryllium mais aussi dans l'ensemble de l'entreprise.
Les normes sur la toxicité du béryllium sont remises en question. Vous en tenez-vous aux seuils actuels ou êtes-vous en pointe ?
Par rapport aux seuils actuels, se situe en général 30 fois en dessous. Pour étayer ce propos, Atmostat s'est engagé à nous adresser un relevé des taux constatés avec en regard les seuils. Ils préparent un dossier reflétant les analyses mises en oeuvre.
Quel est le dispositif d'évacuation des fumées
?
Comment procède-t-on au nettoyage du filtre de l'atelier béryllium
?
Connaissez-vous la nature des substances contenues dans les fumées ?
Y a-t-il des capteurs, des indicateurs de teneur en produits toxiques ?
La seule fumée restituée dans l'atmosphère provient du
chauffage (au gaz je crois).
Les filtres de l'atelier usinant le béryllium sont doublés. Étant
utilisés dans l'industrie nucléaire, ils sont réputés
ne laisser strictement rien passer. Régulièrement recueillis pour
analyse puis évacuation avec les déchets pouvant contenir du béryllium.
Pouvez-vous détailler la protection des employés
qui manipulent le béryllium, mesurez-vous la dose d'exposition ?
Toutes les personnes accédant à l'atelier du béryllium
lorsqu'il fonctionne doivent s'équiper, en combi jetables, sur-chausses
..., comme en salle d'opération.
Les opérateurs permanents disposent à l'entrée de l'atelier
d'un double vestiaire (vêtements de travail / vêtements propres)
pour se déshabiller et s'équiper avec douches spécifiques.
Un prélèvement d'air est effectué à leur hauteur
chaque jour et analysé. Des personnes sont depuis 20 ans dans ce service.
Analysez-vous la prédisposition génétique
des employés d'ATMOSTAT, sont-ils devenus sensibles à la bérylliose,
l'ont-ils développée ?
Ont-ils eu une affection neurotoxique ?
Y a-t-il un suivi quand ils quittent l'entreprise ?
Un protocole très en pointe a été conçu et est
suivi avec la médecine du travail et une équipe de l'hôpital
Mondor de Créteil. Il prévoit des biopsies régulières,
bien plus significatives que les prises de sang ordinaires. RAS à Villejuif.
A leur connaissance, il n'y a eu en tout qu'un cas de bérylliose en France,
sur un chantier d'Alsthom.
Si un incident a lieu dans une pièce contenant du béryllium, est-elle mise en dépression ?
Non, pas nécessaire.
Comment éviter le refoulement de l'air contaminé vers l'extérieur en cas de coupure d'électricité ?
Circuit fermé, tout s'arrête.
Existe-t-il un groupe électrogène déclenché automatiquement ?
Non
En cas d'incident ou d'accident, y compris d'explosion, dans ATMOSTAT, quel dispositif avez-vous prévu pour éviter la dispersion des substances toxiques ?
L'atelier est enfoui et son accès est très strict.
En cas de pépin, tout ce qui contient ou a contenu du béryllium
sous une forme de particules est dans des containers qui peuvent résister
à la chaleur ou à l'eau.
Les services de secours, en particulier les pompiers, sont-ils informés de l'utilisation de béryllium, ont-ils des consignes particulières ?
Ils connaissent ATMOSTAT et ses particularités techniques, oralement
et par écrit. S'il y a un protocole particulier d'intervention, il n'est
pas imposé par la réglementation, c'est à eux de le mettre
en place.
Les pompiers savent qu'il ne faut pas utiliser d'eau sur un feu, l'hydrogène
qui serait produit risquant avec le béryllium de provoquer une explosion.
Les pompiers ne peuvent manuvrer dans la cour, ont-ils fait des exercices chez ATMOSTAT ?
Ils y sont régulièrement invités
Comment les riverains sont-ils prévenus des dangers de diffusion de béryllium (ou autre) et que doivent-ils faire (confinement, évacuation, etc. ) ?
Pas de réponses, voir sur ce point la mairie et les pompiers
Quel lien est prévu avec les autorités, mairie et préfecture ?
La mairie (service de M. BENISTI) connaît bien ATMOSTAT.
Mêmes questions si un incident ou accident se produit à l'extérieur d'ATMOSTAT, à proximité (tempête, coupure d'électricité, etc. ), l'enclavement de l'entreprise au milieu des maisons rendant les interactions difficilement maîtrisables.
Pas de réponse
Est-il prévu un protocole spécial permettant d'isoler les zones à risque et informant les riverains des mesures de sécurité à prendre ?
Non, la réglementation ne l'impose pas, voir pour ça les pompiers et la mairie.
En septembre 1990 un incendie dans un atelier travaillant le béryllium au Kazakhstan a provoqué un nuage toxique, avez-vous suivi cette affaire ; si oui, quelles conséquences en avez-vous tirées dans vos ateliers ?
Oui ils connaissent. ATMOSTAT c'est très différent, quantités
infimes de béryllium, et de toute façon ATMOSTAT est en pointe
en matière de sécurité environnementale, RAS.
Avez-vous des liens organiques ou techniques avec METACERAM,
échangez-vous du béryllium ou d'autres substances dangereuses
?
Oui, Metaceram est dans le groupe PIB aussi. Pas de liens directs, pas d'échange de produits. Métacéram détient quasi exclusivement un marché mondial de mini-fenêtres en béryllium soudé donc sans risques particuliers. Cette activité est maintenant transférée comme indiqué.
Vous avez obtenu une certification ISO 9001. Elle conforte vos clients dans la qualité de vos processus et de vos produits. Avez-vous envisagé une certification ISO 14000, qui est orientée vers les questions d'environnement et fournit des garanties aux associations, aux riverains et aux élus ?
ISO 14000 pas envisagée. ATMOSTAT n'en recueillerait rien en termes
de clientèle, n'ayant pas besoin de publicité (marchés
très discrets).
Si la réputation est à entretenir, elle vient du savoir-faire
et de la norme obtenue.
Y a-t-il moyen de réduire le bruit permanent qui gêne les riverains, le bruit généré par la soufflerie ou la climatisation notamment ?
Atmostat y est disposée si on détermine précisément la cause du bruit.
Y a-t-il moyen de réduire les fumées, dans la mesure où elles incommodent le voisinage, obligeant certains à maintenir leurs fenêtres fermées ?
Atmostat y est disposée. Concrètement avec les coordonnées de M. W on va le contacter pour comprendre le problème.
Une extension des ateliers est-elle envisagée, notamment ceux dans lesquels le béryllium est travaillé ?
Pas d'extension possible de la production d'alliage béryllium, faute de place. Si une très grosse commande intervenait (par exemple pour les parois du futur réacteur ITER ou pour celles du JET), ATMOSTAT créerait une usine en Tunisie par exemple, où elle a une filiale.
Pouvez-vous nous proposer un interlocuteur au sein de
votre direction, afin que nous puissions le cas échéant lui faire
part de soucis de façon responsable, et afin de donner aux riverains
si vous le souhaitez, par notre intermédiaire, des informations sur la
sécurité à proximité d'ATMOSTAT ?
Oui, moi-même, M. BARBAZAN, directeur de l'usine, et M. BITOUN, cadre
responsable environnement.
N'hésitez pas.
Conclusions
Conclusion d'Eric
Au final, j'ai eu une impression très favorable, à la fois sur
la compétence de nos interlocuteurs en matière de sécurité,
sanitaire et technique, ensuite sur leur volonté de transparence et de
dialogue, pour améliorer leur relation avec leur voisinage, car je pense
que c'était leur seul objectif.
Ils ont été précis, tant dans les échanges que dans
ce qu'ils nous ont montré, nous ouvrant toutes les portes, nous expliquant
le fonctionnement des divers ateliers et les mesures de sécurité
prises.
Là où ils ont été moins précis, c'est sur
les mesures particulières à ce site prévues par les services
de secours en cas de sinistre ou d'intervention. ATMOSTAT renvoie à ces
services pour connaître la teneur des procédures spécifiques
d'intervention, ce qui est certes normal mais un peu court.
Conclusion d'Yves
Nous avons été un peu étonnés de l'accueil et
des explications que le PDG nous a fournis. Visiblement, il avait préparé
notre visite et avait son plan en tête. Le fait est, qu'après nous
avoir longuement donné de nombreuses informations, il nous a ouvert toutes
les portes.
Contrairement à ce que nous pouvions imaginer, il nous a montré
des pièces sensibles comme les carters d'ogives (de missiles) qu'ils
fabriquent, ainsi que quelques petites pièces en alliage béryllium/aluminium.
Rien de bien méchant question secret défense, l'atelier n'étant
pas en activité le vendredi après-midi, on peut supposer que s'il
y avait eu des choses à cacher, elles l'auraient été.
Il a joué la carte de la transparence, mais à ce sujet je me
suis demandé si s'était par " obligation morale vis-à-vis
des riverains " comme il le laisse entendre ou si c'était plus simplement
pour cacher autre chose.
En tout cas, il nous a rassurés sur le béryllium en expliquant
qu'il connaissait les dangers et qu'il prenait des mesures bien plus poussées
que celles qui sont obligatoires, voire connues (suivi plus étroit avec
la médecine du travail, mesures de l'air et des déchets plus draconiennes)
et surtout que l'air rejeté par les clim. était forcément
au taux zéro (double filtres, filtres utilisés dans les centrales
nucléaires
)
J'ajouterai, moi qui travaille dans la métallurgie, dans des ateliers du même type, que j'ai été impressionné par la concentration de machines, de systèmes, de salles confinées, stériles de poussière, de conduits, de bureaux dans un si petit endroit où la lumière du jour pénètre peu. Dans certains ateliers c'est plutôt blockhaus et le néon en permanence pour ceux qui y travaillent en plein centre ville tout de même !