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L’ENTREPRISE DEBUS ET L’URANIUM APPAUVRI

 

Rapport de synthèse des travaux de l’association

 

 

Ce document a pour fonction de faire le point sur la réalité de l’affaire Debus, sur l’activité de l’association Agir à Villejuif à propos de cette affaire, sur ce que nous avons appris à cette occasion, et sur la façon dont elle s’est conclue.

 

1.    Une affaire médiatisée.

 

Le 25 février 2 004, dans Le Figaro, puis le 27 février dans Le Parisien, édition du Val-de-Marne, est relatée l’histoire suivante. Le 19 mai 2 003, l’entreprise Métal-Blanc, dans les Ardennes, détecte de la radioactivité dans un camion transportant des déchets de fonderie provenant de la fonderie Budin d’Aubervilliers. L’origine du métal incriminé est rapidement découverte : l’entreprise de recyclage de métaux Debus de Villejuif. Le responsable de la fonderie soutient que le document qu’il a signé, provenant de cette entreprise,  mentionnait un chargement de plomb à déferrer. L’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) expertise la fonderie et recommande sa décontamination.

 

Le 4 novembre 2 003, un second chargement radioactif provenant de la même fonderie est détecté à Métal-Blanc, prouvant que ses locaux n’ont pas été décontaminés.

 

Le 24 février 2 004, la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la RADioactivité) alerte les 4 ministères concernés (Industrie, Écologie, Travail, Santé), et annonce son intention de porter plainte auprès du Tribunal de Grande Instance de Créteil, ce qui déclenche la médiatisation de l’affaire dans la presse des jours suivants.

 

Le métal radioactif se révèle être de l’uranium appauvri, constitutif des têtes de thératron, utilisées en radiothérapie. L’Île-de-France, et tout particulièrement Villejuif, comporte de nombreux établissements utilisant ces têtes constituées d’une source extrêmement radioactive, en cobalt, entourée d’une coque de protection comprenant du plomb et de l’uranium appauvri. Les têtes de thératron en fin de vie sont confiées à l’entreprise CisBio qui en retire la source de cobalt,  puis les dirige vers l’entreprise Debus. Celle-ci les envoie à la fonderie Budin à Aubervilliers afin de séparer le plomb de l’uranium appauvri, récupère enfin l’uranium, le stocke dans l’entreprise en attendant que l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs) les prenne en charge et les transporte jusqu’à Cadarache, site du CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique).

 

L’article du Parisien nous apprend encore qu’un responsable de l’IRSN a déclaré, parlant du responsable de l’entreprise Debus : « Il n’a pas informé la comptabilité nationale des matières nucléaires. Il devait aussi prévenir le destinataire de la nature du chargement. » Enfin, une interview de Monsieur Debus fait apparaître que ce dernier rejette la faute sur la fonderie : «Le fondeur d’Aubervilliers a commis une erreur technique, en n’utilisant pas le four adéquat. » Et il se retranche derrière sa longue collaboration avec le CEA pour prédire que « Tout va retomber comme un soufflé à la crème. »

 

2.    Émoi parmi les riverains de l’entreprise Debus.

 

L’école primaire Jean Vilar est située à une centaine de mètres de l’entreprise. Le conseil local FCPE (Fédération des Conseils de Parents d’Élèves) de cette école écrit le 21 mars 2 004 à l’IRSN. Cet organisme ne répondra que le 20 juillet (cf infra).

 

Plusieurs personnes décident d’élargir l’audience de cette initiative, tous les riverains n’étant pas parents d’élèves de cette école, tous les parents n’étant pas adhérents FCPE, et préparent une réunion publique qui se tient le  17 avril 2 004. C’est lors de cette réunion qui rassemble une cinquantaine de participants qu’est décidée la constitution de l’association Agir à Villejuif. Le dossier Debus est à l’origine de la création de l’association, même si dès cette première réunion elle décide de s’intéresser également à d’autres dossiers.

 

3.    Ce que nous avons appris sur l’uranium appauvri.

 

Les sols peuvent contenir de quelques grammes d’uranium jusqu’à 10 kg par tonne. La radioactivité de ces sols est de l’ordre de quelques Bq/kg (1Bq = 1 désintégration par seconde). L’uranium est extrait des sols les plus riches, et on obtient l’uranium naturel, contenant 100% d’uranium. Donc beaucoup plus actif : 51 millions Bq/kg.  Il contient plusieurs isotopes, essentiellement l’U238 (12 millions Bq/kg), et l’U235 (71 millions Bq/kg). L’U235 représente seulement 0,72% de l’U naturel. Mais c’est le seul qui permette d’alimenter une réaction en chaîne, et donc de produire de l’énergie. On enrichit donc l’U naturel pour obtenir une matière apte à cette fonction. On obtient alors l’U enrichi, avec 3,5% d’U235, et l’U appauvri (UA) avec 0,2% d’U235. Ce dernier contenant essentiellement de l’U238, sa radioactivité est de 12 millions Bq/kg. Le terme d’appauvri ne doit donc pas nous tromper : ce produit est plusieurs millions de fois plus dangereux que la radioactivité naturelle ambiante.

 

Il s’agit donc bien d’un déchet, mais qui présente des propriétés  particulières : sa masse volumique est très élevée : 19 kg/dm3, mais son coût est bien moindre que celui d’autres métaux aussi denses, comme le tungstène (19,3 kg/dm3). A titre de comparaison, la masse volumique du fer est de 7,8, celle du plomb de 11,3, celle du platine de 21,4, toujours en kg/dm3. D’où l’utilisation de l’uranium pour atténuer les rayonnements de produits encore plus radioactifs (les têtes de thératron utilisées en radiothérapie, contenant du cobalt), ou pour percer les blindages (balles et obus utilisés lors de la guerre du Golfe, et depuis…)

 

Quels sont les dangers de l’uranium appauvri ? Il s’agit d’effets chimiques, mutagènes et cancérigènes.

 

Les effets chimiques sont du même type que ceux produits par les autres métaux lourds dont nous avons appris à nous méfier, tels que le plomb ou le cadmium. Inhalation, ingestion ou absorption par la peau sont les voies d’entrée dans l’organisme. Les organes les plus exposés sont le rein et le foie.

Les effets mutagènes concernent les lésions dans les spermatozoïdes et les ovocytes, amenant des risques de transmission d’anomalies génétiques à la descendance.

 

Enfin, les effets cancérigènes, souvent niés par les tenants du nucléaire, sont dus à la fixation de particules d’uranium dans l’organisme, particules qui vont irradier les cellules proches, léser les molécules qu’elles contiennent, en particulier l’ADN (Acide DésoxyriboNucléique), c’est-à-dire le programme de travail de chaque cellule. C’est ainsi que des cellules saines se transforment en cellules cancéreuses. Les organes les plus exposés sont ceux où l’uranium se fixe en plus grande quantité, et où il reste le plus longtemps. Il s’agit des poumons, des reins, des os, et secondairement du foie, du cerveau et des ganglions lymphatiques. A signaler également que l’irradiation de la moelle osseuse peut aussi altérer les défenses immunitaires de l’organisme.

 

Toute contamination par un produit radioactif ne déclenche pas un cancer, c’est la probabilité de son déclenchement qui augmente. Ce risque augmente proportionnellement à la dose de rayonnement reçue. A forte dose, forte probabilité, à faible dose, faible probabilité, ce qui ne signifie pas probabilité nulle. Il n’y a pas d’innocuité des faibles doses, contrairement à ce que l’on lit ou entend trop souvent dans la bouche de ceux qui ne savent pas, ou dont la profession est la désinformation du public. C'est le grand biologiste Jean Rostand qui écrivait : "Qu'on ne prétende pas que les doses de radioactivité ainsi libérées sont trop faibles pour atteindre le seuil de la malfaisance. Tout au moins en ce qui concerne les altérations génétiques, il n'y a pas de seuil de nocivité. Toute augmentation, si légère soit-elle, de la radioactivité élève le taux de mutation dans les cellules germinales et par suite contribue à dégrader les virtualités héréditaires des sujets exposés à des suppléments de radioactivité."

 

Quand enfin on sait que la période radioactive de l’U238 est de 4,5 milliards d’années, celle de l’U235 de 700 millions d’années, et que la période est le temps au bout duquel la radioactivité a diminué de moitié, on mesure quelle responsabilité prennent ceux qui décident l’utilisation de l’uranium, fût-il appauvri, au regard des générations futures. 

 

4.    L’association dans et autour de l’entreprise.

 

Une première visite de l’entreprise a lieu le 4 mai 2 004. Notre délégation est reçue aimablement, Monsieur Debus présentant ses différentes activités, et faisant visiter le local où est stocké l’uranium appauvri. Il insiste sur l’absence de danger lors de sa manipulation. Il nous promet copie du rapport que l’IRSN va produire suite à sa visite de l’entreprise. Notre délégation remarque dans l’enceinte de l’entreprise une enseigne de l’Agence de l’Eau Seine-Normandie  (AESN) auprès de laquelle nous envisageons de pousser nos investigations.

 

Nous décidons de faire l’acquisition d’un compteur Geiger afin de nous rendre compte par nous-mêmes des risques éventuels de ce stockage pour les riverains. Il s’agit d’un appareil Quartex, distribué par la CRIIRAD.

 

Monsieur Debus ne fait aucune difficulté à nous laisser procéder à nos mesures dans son entreprise, ce que nous faisons le 4 juin 2 004. Sans surprise, nous constatons dans le local d’entreposage de l’uranium appauvri une radioactivité nettement supérieure à la radioactivité naturelle. La caisse métallique renfermant les têtes de thératron une fois ouverte, notre appareil arrive immédiatement à saturation. Ressortis du local, nous pouvons constater que devant sa porte, et jusqu’à moins d’un mètre de celle-ci, nous enregistrons une activité qui est encore significativement supérieure à la radioactivité naturelle. Notamment au-dessus d’une rigole d’écoulement des eaux. A quelques mètres, nous ne mesurons plus que la seule radioactivité naturelle. Nous concluons en écrivant que « en dehors d’une catastrophe qui disperserait l’uranium appauvri dans l’environnement, nous pouvons raisonnablement penser que les riverains n’encourent aucun risque du fait de ce stockage. » Nous nous promettons cependant de vérifier  le niveau de radioactivité chez ces riverains ainsi que sur l’eau des puits alentours.

 

Le 2 octobre 2 004, nous procédons à une série de mesures dans la cour de la maison au 32 bis rue René Hamon, mitoyenne de l’entreprise Debus, sans détecter de radioactivité supérieure à la radioactivité naturelle.

 

Plus intéressante est la série de mesures effectuée dans une maison, alors en rénovation, mitoyenne et directement contiguë au local d’entreposage de l’uranium. Le rapport de l’IRSN (cf infra) y annonçait un taux de radioactivité supérieur à la moyenne. En fait, nous n’y avons trouvé que le niveau de radioactivité mesuré n’importe où ailleurs dans Villejuif. Nous avons donc conclu que « de ce côté non plus il n’y a pas de risque de contamination radioactive par l’uranium appauvri stocké dans l’entreprise Debus. »

 

Le 19 septembre 2 004, nous examinions l’eau d’un puits situé au 41 rue René Hamon, soit au nord de l’entreprise Debus. Il semble bien que l’eau s’écoule du sud vers le nord, ce qui la ferait passer sous l’entreprise Debus avant qu’elle n’arrive à ce puits. Nous ne détectons rien de particulier, mais nous promettons de reprendre cette mesure un jour de pluie.  

 

Ce sera fait le 12 février 2 005, et notre conclusion est donc : « Il n’y a pas, à notre connaissance, de pollution radioactive de l’eau des puits dans le voisinage de l’entreprise Debus. » 

 

5.    L’action de la FCPE.

 

Le conseil local FCPE de l’école Jean Vilar avait donc écrit à l’IRSN le 21 mars 2004. Il obtient une réponse le 20 juillet (quand même de la même année…).

 

Le courrier lui-même est lénifiant : « Cette autorisation a été délivrée par le ministre après instruction d’un dossier … Des inspections périodiques permettent de vérifier la bonne application de ces dispositions... L’activité se limite à l’entreposage… L’uranium est sous une forme difficilement dispersable, même en situation accidentelle… L’activité ne nécessite la mise en œuvre d’aucune disposition particulière en matière de protection de la population et de l’environnement… » Il est accompagné de deux documents : le rapport de l’inspection effectuée par l’IRSN le 27 avril 2 004 dans l’entreprise, et la fiche éditée par cet institut relative à la toxicologie de l’uranium appauvri.

 

6.    Les rapports de l’IRSN et nos rapports avec l’IRSN.

 

Notre association est née le 17 avril 2 004, lors d’une réunion publique. Est-ce un hasard ? Toujours est-il que le rapport de l’IRSN indique que son équipe s’est rendue dans l’entreprise suite à la demande de Monsieur Debus envoyée par télécopie le 20 avril !

 

Cette inspection fait suite à celle réalisée en 2 003 dans l’entreprise Budin, puisque l’IRSN avait alors préconisé «une recherche de contamination sur le site de la société Debus ».  Remarquons que, de juin 2 003  à juin 2 004, il aura fallu un an et une demande explicite de Monsieur Debus pour que l’IRSN applique sa propre préconisation…

 

A quelques détails près, les résultats obtenus par l’équipe de l’IRSN confortent nos propres mesures. Signalons simplement que cette intervention a été facturée à Monsieur Debus 1 186 euros. Celle de l’IRSN, pas la nôtre ! Leur compte rendu a été l’occasion pour nous de vérifier que, si notre appareil ne mesure que les radioactivités bêta et gamma, et non alpha, les valeurs données par l’IRSN montrent que la radioactivité alpha est ici bien inférieure à la somme des deux autres tant en nombre de coups par seconde qu'en becquerels par kg, ce qui nous permettait de conclure   « si nos résultats sont seulement indicatifs de l’activité d’ensemble, ils en donnent une bonne indication. » Nous déplorons par ailleurs que, dans un document d’un organisme officiel élaboré par des techniciens nommément identifiés, on puisse trouver erreur de raisonnement et erreur de calcul…

 

Nous avons également examiné de près la fiche sur la toxicologie de l’uranium appauvri qui accompagnait ce courrier.

 

Le constat que nous avons fait est affligeant. Pas une seule fois n’est mentionné le terme de radioactivité. Les valeurs données pour celle-ci sont systématiquement inférieures à celles données par la CRIIRAD. Les risques pour l’organisme sont tout sauf détaillés, ils ne sont indiqués qu’en termes de risques cancérigènes, jamais mutagènes. Ils sont systématiquement minimisés, voir niés. Les organes touchés ne sont pas tous cités, loin de là. Les mécanismes d’action sont édulcorés. Bref, nous avions conclu notre étude ainsi : « l’IRSN se soucie plus de minimiser les risques radiologiques liés à l’utilisation d’uranium appauvri que de protection des personnes, de sûreté des sites, et d’information des populations. »

 

Sur le site internet de l’IRSN figurent les résumés des 2 rapports d’expertises réalisées sur le site de la fonderie Budin d’Aubervilliers. Nous avons demandé, et obtenu, copie de ces 2 documents. Leur étude était instructive.

 

Le premier rapport fait état d’une inspection en date du 5 juin 2 003, soit quelques jours après la détection de radioactivité dans l’entreprise Métal-Blanc des Ardennes lors de l’arrivée d’un camion en provenance de la fonderie Budin. Les investigations des inspecteurs dans le bâtiment concerné leur ont permis de conclure que la radioactivité provient des crasses (déchets) de fonderie des têtes de thératron fournies par l’entreprise Debus, pour en extraire le plomb. Ces crasses ont été déversées sur le sol à la sortie du four pour être ensuite ramassées et envoyées vers Métal-Blanc. Les allées et venues dans le bâtiment ont ensuite dispersé ces poussières d’uranium dans tout le local. Les responsables de l’entreprise maintiennent que la société n’a pas été informée de la présence d’uranium dans ces objets.  Les inspecteurs concluent à la nécessité de « procéder à une décontamination du bâtiment-atelier par une société spécialisée ; effectuer une recherche de contamination sur le site de la société Debus et dans le véhicule qui a servi à acheminer les têtes après retrait du plomb. »

 

Pourquoi un second rapport ? Les dures lois du fonctionnement des entreprises font que la demande de décontamination émise en juin n’aboutit qu’en décembre L’entreprise, il est vrai, devait l’avoir mauvaise de devoir financer une décontamination alors que le problème ne lui était pas imputable.  Et durant ce temps, la contamination ne fait que s’étendre…C’est en effet à partir du 1er décembre 2 003 que l’entreprise STMI devait réaliser l’opération de décontamination. Mais cette société constate que la contamination radioactive s’est disséminée dans le bâtiment, et qu’il en existe dans la cour de la société, lieu qui n’avait pas été enquêté par l’IRSN au mois de juin ! On mesure le sérieux de la première « expertise »…L’entreprise STMI demande une nouvelle expertise de l’IRSN, qui aura lieu le 2 décembre 2 003, soit le lendemain. Notons la rapidité de l’intervention ! Le second rapport reprend donc les conclusions du premier, avec en prime la demande de décontamination de la cour.

 

Dans leur conclusion, les inspecteurs de l’IRSN ajoutent que « Enfin, dans l’état radiologique actuel, constaté lors de l’intervention, on peut exclure tout risque radiologique à l’extérieur du site. » Peut-être. Mais quand même… Dans les annexes à ce second rapport, au milieu des documents de l’IRSN figure un document émanant de la société STMI. Il s’agit d’un plan des locaux de l’entreprise Budin, annoté de leurs propres mesures de radioactivité. Et contrairement au plan équivalent émanant de l’IRSN, celui-ci fait apparaître ce qu’il y a de l’autre côté du mur de l’entreprise, d’ailleurs juste derrière le four contaminé : un collège ! Comment est-il possible que l’IRSN n’ait même pas recommandé d’y effectuer des mesures pour vérifier cette hypothèse d’innocuité à l’extérieur de l’entreprise ? L’incompétence ? La politique du secret ? Ou plus exactement la volonté de ne pas informer pour ne pas provoquer de réaction de rejet de tout ce qui touche au nucléaire par la population ?

 

Depuis, la décontamination a dû avoir lieu, puisque nous verrons dans le chapitre 12 que la société Budin en réclame le coût par voie judiciaire à l’entreprise Debus.

 

7.    Que vient faire l’Agence de l’Eau Seine-Normandie dans cette affaire ?

 

Nous avions donc remarqué un panneau à cette enseigne au sein de l’entreprise.

 

Depuis 1 997, les récupérateurs de métaux sont tenus d’étanchéifier leur sol, et d’installer une filtration des eaux de ruissellement.  C’est en décembre de cette année que monsieur Debus contacte l’Agence de l’Eau Seine-Normandie (AESN) pour lui demander une aide afin de réaliser ce chantier. Cette Agence est composée d’experts, de représentants des collectivités locales, des usagers et des administrations compétentes. Elle est chargée de rationaliser la gestion de l’eau dans le bassin Seine-Normandie, de concilier activités industrielles et environnement, et de protéger le patrimoine naturel. Elle propose des subventions pour inciter les entreprises à dépolluer ou protéger leur site.

 

Le montant total des travaux est estimé à 870 kF, l’aide demandée de 261 kF. Une dalle de béton de 20 cm a été coulée afin de protéger le sol d’une pollution métallique, et un séparateur permettant la récupération des huiles, hydrocarbures et particules de métaux lourds dans les eaux de ruissellement a été installé. Ce séparateur est opérationnel depuis fin 1 999. 

 

8.    La CRIIRAD et nous.

 

Pour prendre en compte l’action de la Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la RADioactivité (CRIIRAD) dans ce dossier, nous avons décidé dès la création de l’association de nous y affilier. La CRIIRAD s’est constituée après la catastrophe de Tchernobyl pour obtenir et diffuser une information fiable, ce que n’était pas disposé à faire le gouvernement de l’époque. 

 

C’est également auprès de la CRIIRAD que nous avons acquis le compteur Geiger qui nous a servi à effectuer nos mesures de radioactivité dans et autour de l’entreprise.

 

Nous déplorons une chose, c’est de n’avoir jamais eu de réponse à nos messages demandant où en était la CRIIRAD sur le plan judiciaire, puisque était annoncée dans la presse sa volonté de porter plainte auprès de Tribunal de Grande Instance de Créteil. Le président de la CRIIRAD, rencontré en novembre 2 006, nous a également promis une réponse à nos interrogations, mais elle n’est jamais venue. Cette absence de réponse est sans doute à mettre sur le compte d’un surcroît de travail de cette association, mais c’est dommage.

 

9.    L’action de la Mairie, et nos rapports avec elle.

 

En juillet 2 003, un courrier de la mairie au préfet demande des informations sur les contrôles effectués sur l’entreprise Debus. Le préfet répond en août qu’il demande à l’IRSN de lui rendre compte, qu’il attend sa réponse. En février 2 004, nouveau courrier de la mairie relançant le préfet. En mars, puis avril, le préfet répond qu’il n’a toujours rien reçu de l’IRSN. Le 26 avril, nouveau courrier de la mairie pour s’inquiéter des manifestations allergiques apparues dans certains locaux municipaux, et s’interroger sur leur lien possible avec les activités de l’entreprise Debus. Le préfet répond en mai qu’il est toujours dans l’attente de ces rapports. Ce n’est qu’après cette date qu’il recevra le rapport adressé par l’IRSN, daté de mars 2 004. Notons que le représentant de l’État dans le département ne parvient à obtenir un rapport que dans un délai d’un an environ. Nous trouvons cela révélateur de la façon dont fonctionnent les institutions du nucléaire dans le pays, fonctionnement où la transparence est fort loin d’être réalisée !

 

Le 1er mars 2 004, la mairie de Villejuif écrivait à la CRIIRAD pour demander une aide sur ce dossier. En réponse, la CRIIRAD lui donnait plusieurs conseils, dont celui d’intervenir pour la reprise régulière de l’uranium, afin que ce site de transit ne devienne pas un site d’entreposage.

 

Ensuite, la mairie est intervenue auprès du Tribunal de Grande Instance de Créteil en déposant une demande d’enquête préalable. Madame le maire, entendu par les services de police le 17 juin 2 004, avait alors décidé de ne pas porter plainte, mais se réservait cette possibilité en fonction de l’évolution du dossier. La plainte a été déposée en janvier 2 006, elle concernerait les répercussions possibles des activités de l’entreprise envers les personnels de la mairie, mais les responsables municipaux invoquent le secret de l’instruction pour ne pas nous en dire plus.

 

Pour lancer notre première réunion publique, nous avons fait part de nos intentions aux responsables municipaux, et en premier lieu à Monsieur Benisti, alors directeur de l’Habitat et du Cadre de Vie. Nous avons demandé s’il était possible de nous aider en tirant notre tract. Nous n’avions pas compris qu’il s’agissait d’un service payant, même si la facture se faisait à prix coûtant. Le tirage nous a été fait sans facturation. L’erreur nous était imputable, nous avons donc conclu à une volonté de nous aider dans notre démarche.

 

Cela s’est également concrétisé lors de l’entrevue que nous avons eue le 1er juin      2 004 avec Madame Cordillot et plusieurs responsables municipaux. Il s’agissait de Claude Marchand, collaborateur de cabinet, d’Anita Scribe, directrice générale adjointe du Pôle Développement Urbain et Environnement, et d’Eric Benisti, directeur de l’Habitat et du Cadre de Vie. Madame Cordillot s’est montrée très ouverte, au fait des dossiers que nous évoquions, attentive aux questions que nous posions, proposant des solutions, et soucieuse de notre indépendance. Elle considère qu’une association peut apporter la richesse de points de vue issus d’horizons différents et, ainsi, apporter son poids à leurs propres démarches. Concernant le dossier Debus, elle a rappelé qu’elle est intervenue dès le mois de juillet 2 003, après la parution d’un premier article dans Le Parisien. Elle s’est adressée à plusieurs reprises au Préfet afin d’avoir des renseignements précis, sans succès pour le moment. Elle a décidé de déposer une demande d’enquête préalable auprès du Procureur de la  République, ce qui fut fait par son avocat le 4 mai, mais elle n’a pas encore de retour de cette demande. Les archives municipales ne font état d’aucun problème antérieur avec cette entreprise.

 

Les relations se sont poursuivies par l’échange d’informations et de documents. Les seules critiques que nous ayons faites concernent la lenteur de la mairie pour faire un courrier à l’adjudant des sapeurs-pompiers afin de nous aider à obtenir une entrevue que nous ne parvenons pas à obtenir par nos propres moyens, ainsi que sur la lenteur à nous attribuer les subventions au titre des associations.

 

10.  Le dossier Debus en préfecture.

 

Dans un premier temps, nous avons demandé, et obtenu, de la préfecture la liste des Installations Classées de notre ville. Parmi les 77 installations répertoriées, nous avons bien sûr trouvé l’entreprise Debus, classée à 3 titres : 1711 (simple déclaration) : stockage de substances radioactives ; 2565 (simple déclaration) : traitement des métaux et matières plastiques ; 286 (après autorisation préfectorale) : nous n’avons pu encore déterminer la signification de cette rubrique.

 

Nous avons consulté le dossier de l’entreprise en septembre 2 004 au service des Installations Classées en préfecture de Créteil. Il n’y a aucun obstacle à la consultation, hormis le rendez-vous à prendre à l’avance afin que les dossiers demandés soient sortis des archives. Mais ce dossier n’était pas complet, puisqu’il portait : « le sous-dossier relatif aux activités dont le contrôle relève de la compétence du Haut Fonctionnaire de Défense est non communicable ». Dans la partie communiquée, nous avons appris l’histoire de l’entreprise.

 

Fondée en 1 949, elle est classée en 1 951 pour un stockage de plus de 20 m3 de chiffons. Puis en 1 959 pour le dépôt de ferrailles, et en 1 975 pour la récupération de métaux précieux dans des produits électroniques. Cette même année voit la disparition de l’activité chiffons.

 

En septembre 1 995, un arrêté signé du Haut Fonctionnaire de Défense au ministère de l’Industrie autorise la détention et le transfert de matières nucléaires de catégorie 3, en l’occurrence d’uranium appauvri, pour un maximum de 2 tonnes. L’entreprise exerçait déjà cette activité. Notons qu’effectivement, d’après ce que l’on a appris plus haut, il suffit pour cela d’une simple déclaration à la préfecture. Les années qui suivent voient un échange fourni de courrier pour que l’entreprise fournisse une notice de sécurité, que la préfecture n’obtiendra qu’en 1 998. De même, la mise en conformité du local d’entreposage nécessitera également un échange de courrier.

 

Monsieur Debus informe la préfecture en 1 996 que l’enlèvement de l’uranium se fera par le CEA vers le site de Cadarache, qu’il ne devrait pas détenir plus de 500 kg d’uranium, et s’engage même à ne pas dépasser 250 kg, soit à rester sous le seuil de classement de l’entreprise. Mais un contrôle du CEA en 1 998 révèle que 4 tonnes d’uranium sont entreposées. Et en 2 003, un contrôle préfectoral relève qu’il n’y a eu que 2 enlèvements d’uranium, en 1 996 et en 2 002, qu’il reste 1,8 tonne d’uranium sur le site, mais que Monsieur Debus n’en reçoit plus, en raison de la difficulté à les faire évacuer.

 

Enfin, l’élément intéressant dans ce dossier, c’est un courrier de Monsieur Debus au préfet, dans une réponse aux accusations de la fonderie Budin, dans lequel il indique que l’IRSN lui a déconseillé d’afficher la présence d’uranium appauvri dans les têtes de thératron qu’il envoie en fonderie, parce qu’il s’agit d’un sujet sensible. Ce type d ‘activité devrait être réalisée sous le sceau de la confidentialité !  Nous en avons donc conclu que l’accord devait être oral entre Monsieur Debus et l’ancien responsable de la fonderie. Le nouveau n’a pas été mis dans la confidence, et a appliqué une procédure inadéquate dans l’ignorance du caractère radioactif de ce qui lui était fourni. On comprend qu’il accuse Monsieur Debus. C’est le même IRSN qui lui reprochera cette non-information de la fonderie dans un courrier au préfet de mars 2004… Entre-temps, le problème a émergé sur la place publique !

 

11. Notre adresse à l’ANDRA.

 

C’est donc l’ANDRA qui transporte l’uranium vers le site du CEA à Cadarache. Ceci est d’ailleurs mentionné explicitement  dans le dossier en préfecture. Forts de l’information selon laquelle Monsieur Debus n’accepte plus de nouvelles têtes de thératron, et de ses déclarations selon lesquelles il entend mettre bientôt fin à ses activités, nous nous sommes tournés vers l’ANDRA pour lui demander de procéder à l’enlèvement du stock existant, dans la mesure où il n’y en aura jamais davantage, même si cela ne représente pas un chargement complet. Un courrier électronique ainsi qu’un courrier postal n’ont obtenu de réponse ni l’un ni l’autre. Nous nous sommes tournés vers le préfet en février 2 006 pour lui demander d’intervenir afin d’amener l’ANDRA à nous répondre.

 

Ce courrier déclenche une intense activité : le préfet nous répond le même mois qu’il saisit le STIIIC. La réponse du STIIIC, dont il nous fait connaître la teneur au mois de mars, ne nous apprend rien que nous ne savions déjà. Mais dans le même courrier, le préfet nous annonce qu’il s’adresse maintenant à l’ANDRA. En juin, c’est la ministre de l’environnement, Nelly Olin, à qui nous avions transmis le double du courrier au préfet, qui nous informe que la DGSNR, l’ANDRA et le CEA examinent les modalités de règlement du dossier. Nous avions également transmis copie de notre courrier à notre député, Jean-Yves Le Bouillonnec, qui avait également écrit au préfet dans le même sens que nous. Le préfet lui répond en août qu’il a signalé une nouvelle fois à l’ANDRA l’urgence qui s’attachait au règlement de ce dossier.

 

Apprenant qu’une réunion avait lieu sur le dossier Debus, nous nous sommes adressés à la DGSNR pour en savoir plus. Nous avons été reçus le 7 septembre par 2 responsables, Odile Palut-Laurent et Philippe Bodenez. 

 

Ils nous apprennent qu’aux termes de la loi du 28 juin 2 006 c’est désormais au producteur de déchets radioactifs de rémunérer l’ANDRA au prix coûtant pour leur élimination. Pour éliminer 1,8 tonne d’uranium appauvri, la facture serait de plusieurs dizaines de milliers d’euros ! Cette somme est sans doute sans commune mesure avec les sommes en jeu il y a quelques années quand Monsieur Debus prenait en charge les têtes de thératron des hôpitaux de la région. Notre propos n’a pas été de défendre les finances de cette entreprise, mais de constater que les règles du jeu ont changé, et d’éviter les blocages à une évacuation rapide de ces matières dangereuses. Nos interlocuteurs sont conscients que seule une négociation permettra de débloquer la situation. Ils s’y préparent, en recherchant pour début 2007 une solution permettant l’enlèvement de l’uranium. Ils promettent également de nous tenir informés.

 

12. Notre tentative de rencontrer les pompiers.

 

Le journal Le Parisien, destinataire d’une copie de notre courrier au préfet de février 2 006, en profitait pour publier un nouvel article sur Debus. Cet article était accompagné d’un texte de la CRIIRAD, indiquant entre autres que l’uranium appauvri présente un danger s’il est chauffé au-delà de 200° : il entre alors en combustion avec l’air, et dégage des poussières radioactives hautement toxiques.

 

Cela renforce notre volonté de rencontrer les sapeurs-pompiers de Villejuif. Nos investigations, tant dans l’entreprise Debus que dans Atmostat nous ont amenés à la conviction qu’en temps ordinaires il n’y a pas de danger pour la population avoisinante. En revanche, en cas d’accident, comme l’incendie, nous sommes fondés à craindre une dispersion de produits hautement toxiques dans l’environnement immédiat. C’est pourquoi nous voulions savoir si les pompiers disposaient d’instructions spécifiques pour d’éventuelles interventions dans ces entreprises classées. Un premier courrier, au printemps 2 005, auprès du précédent adjudant, est resté sans réponse. Un contact téléphonique avec son subordonné nous a permis d’apprendre qu’ils ne souhaitaient pas avoir de rapport avec nous, mais surtout qu’ils ignoraient l’existence des entreprises citées et leur dangerosité. Nous sommes persuadés qu’on n’intervient pas de la même manière sur un incendie de poubelle, ou sur celui d’une entreprise utilisant des produits toxiques. Un nouveau courrier au nouvel adjudant en octobre 2 005 n’a pas connu un meilleur succès. Lors de la cérémonie des vœux 2006, ni le commandant de district, ni les subordonnés de l’adjudant, avec qui nous avons pu parler à cette occasion, n’ont tenu un discours différent. A peine les subordonnés ont-ils émis une vague promesse d’en parler à leur adjudant. Ce qui n’eut aucun effet.

 

La mairie, sollicitée par nous pour nous aider à trouver ce contact qui nous semble utile dans l’intérêt des habitants, a promis de nous aider en faisant eux-mêmes un courrier à l’adjudant facilitant ce contact. C’est le nouveau directeur des services techniques, Monsieur Benisti, qui a pris ce contact oralement. Il en ressort qu’en vertu du règlement militaire des sapeurs-pompiers, ils ne peuvent avoir de rapports avec une association, excepté l’hypothèse où le préfet le leur ordonnerait. Nous avons donc écrit au préfet en ce sens en avril 2 006. Celui-ci nous a répondu en juillet 2 006 que le Bureau Prévention de la Brigade s’est livré à une inspection au terme de laquelle il ressort que le risque lié aux activités des 2 entreprises (nous avions lié Debus et Atmostat dans notre courrier) est extrêmement limité, et qu’il n’est par conséquent pas nécessaire de compter ces sociétés parmi les établissements signalés du secteur du centre de secours de Villejuif. Il ajoute que, pour apaiser l’inquiétude, légitime, des riverains, de nouvelles visites seront programmées.

 

Plusieurs réflexions nous sont venues. D’abord, si les risques sont extrêmement limités au point de ne pas compter ces entreprises parmi les établissements signalés, pourquoi notre inquiétude est-elle légitime ? Et pourquoi programmer de nouvelles visites ? Ensuite, ce qui nous importe, c’est la connaissance par les hommes du centre de secours de Villejuif des caractéristiques de ces entreprises, des matériaux entreposés, de leurs dangers, et des procédures à mettre en œuvre en cas de sinistre. Les visites ont-elles et seront-elles effectuées par le centre de Villejuif ? Nous n’en avons pas la certitude. Enfin, encore une fois, nous constatons que sans notre mobilisation citoyenne, il ne se serait rien passé sur ce terrain. C’est notre intervention opiniâtre qui a abouti à ces visites, même si nous ne sommes pas pleinement satisfaits du résultat.

 

13. Évolution de la législation.

 

Dans nos débats est apparue l’idée suivante. Il paraît normal que la législation impose au vendeur d’un bien immobilier d’informer son acheteur éventuel sur l’existence de plomb, d’amiante, de termites dans les locaux concernés. Pourquoi ne verrait-on pas évoluer la législation vers une information sur l’existence d’Installations Classées pour la Protection de l‘Environnement dans un périmètre raisonnable autour de cette habitation ? Et pourquoi cette information serait-elle seulement au bénéfice de l’acquéreur, et pas au signataire d’un bail de location ?

 

Nous avons donc rencontré sur cette problématique Alain LIPIETZ, député européen, et habitant Villejuif, le 1er avril 2 005, pour lui demander si cette évolution sur le plan législatif pourrait s’envisager dans la législation européenne, ou dans la législation nationale.  Il nous a appris que, pour l’heure, ce qui concerne l’immobilier est considéré par l’Europe comme du ressort des gouvernements nationaux. Mais il existe une directive sur la responsabilité des entreprises sur le plan environnemental. Elle devrait faire l’objet prochainement d’une transposition en droit français. Cela pourrait être l’occasion d’y introduire l’obligation de l’information sur l’existence d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement dans un certain périmètre autour du logement concerné. Il nous incitait donc à contacter un député susceptible de proposer l’intégration de cette idée lors de la transposition.

 

Le député de notre circonscription, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, sollicité depuis novembre 2 004, a fini par nous accorder un entretien le 4 avril 2 005. Il a trouvé la démarche pertinente, et l’idée intéressante. Il a attiré notre attention sur le fait que, dans la transposition d’une directive, on ne peut introduire d’éléments nouveaux. La loi Habitat qui devait venir en débat au parlement en juin 2 005 est une autre occasion. Une dernière piste soulevée : les aspects de la loi Voynet non encore réglés par décrets. Il nous promettait d’examiner la proposition avec les députés de son groupe parlementaire, puis de nous tenir informés très rapidement. Une nouvelle rencontre en juillet 2 006 nous a permis de constater que son enthousiasme pour notre idée reste entier, il a encore promis de nous tenir informés des suites de ses démarches en ce sens, mais nous n’avons plus de nouvelles de lui depuis cette date.

 

14. Les suites judiciaires.

 

Nous avons appris par Monsieur Debus lui-même, en janvier 2 006, qu’il est en procès avec la mairie de Villejuif, d’après lui par rapport aux rotations de camions de déchets dans le centre-ville. 

 

Nous avons de plus évoqué plus haut le procès qui l’oppose à la Fonderie Budin d’Aubervilliers.

 

Notre association a la personnalité juridique, ses statuts et ses responsables élus étant déposés en préfecture. Nous avons essayé d’en arguer pour avoir plus d’information sur ces 2 procès, et voir si nous pouvions avoir accès aux dossiers. Malheureusement, le secret de l’instruction s’y oppose. Et nous ne pouvons nous permettre financièrement de nous porter partie civile et de rémunérer un avocat, obligatoire au Tribunal de Grande Instance.

 

Heureusement, la mairie de Villejuif nous transmet copie des documents sur l’affaire Debus/Budin, dans laquelle elle s’est portée partie civile. C’est ainsi que nous pouvons suivre le déroulement de l’affaire devant plusieurs cours de justice.

 

L’affaire débute au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Créteil. Le juge d’instruction auprès du TGI rend une ordonnance le 7 février 2007 : non-lieu concernant la mise en danger de la vie d’autrui concernant la fonderie, le chauffeur qui a amené les crasses de fonderie dans les Ardennes et sa société, mais renvoie Monsieur Debus et sa société en correctionnel concernant la tromperie sur la marchandise, le fait de n’avoir pas informé les responsables de la fonderie du caractère radioactif de la marchandise qu’il leur confiait. 

 

Le chauffeur du camion, insatisfait de cette décision en ce qui le concerne, interjette appel, appel examiné par la Cour d’Appel de Paris. Celle-ci confirme le 19 octobre 2007 le non-lieu concernant la mise en danger de la vie d’autrui, mais infirme le rejet en correctionnel : c’est un non-lieu total. Elle s’appuie en cela sur un article du code de la consommation.

 

Le procureur général se pourvoit en cassation, au motif que le juge a mal interprété l’article concerné du code de la consommation : loin de ne s’appliquer qu’aux relations entre un professionnel et un consommateur, celui-ci régit également les rapports entre professionnels, et Debus reste attaquable.

 

La Cour de Cassation, dans son arrêt daté du 4 novembre 2 008, donne raison au procureur général : « En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé » (l’article concerné du code de la consommation).

 

L’ordonnance renvoyant Debus (Monsieur et Société) en correctionnel au chef de tromperie reprend donc effet. En revanche, il n’y a pas de nouveau débat sur le fond, ce qui signifie que l’accusation de mise en danger de la vie d’autrui est définitivement abandonnée. L’affaire est donc à suivre, cette fois devant le tribunal correctionnel.

 

 

15- Enlèvement de l’uranium.

 

Après avoir rencontré deux responsables de la DGSNR en septembre 2 006, nous nous sommes tenus en contact téléphonique régulier avec l’une des deux, contact quasi-mensuel. Nous avons pu prendre la mesure de la lenteur avec laquelle cet organisme (devenu entre temps Autorité de Sûreté Nucléaire [ASN] suite à la loi sur la sécurité et la transparence en matière de nucléaire), en lien avec l’ANDRA, tentait d’apporter une solution à la nécessité d’aboutir à l’enlèvement de l’uranium dans cette entreprise qui n’en accueillait plus de nouveau (interdiction lui en avait été faite par le haut fonctionnaire de défense auprès du ministre de l’industrie), et qui annonçait la fin prochaine de ses activités. Nous avons pu également mesurer l’utilité de notre association pour bien faire entendre que les riverains restaient mobilisés et surveillaient l’action des pouvoirs publics dans ce dossier.

 

C’est finalement en mai 2 008 que nous avons appris la bonne nouvelle de l’enlèvement de l’uranium. Nous avons parlé à l’époque de «grande victoire ». Nous avons appris que Monsieur Debus a dû s’acquitter pour cet enlèvement d’une somme mirobolante, vraisemblablement sans aucune commune mesure avec les profits escomptés de cette activité.

 

16-  Et pour quelques poussières de plus…

 

En même temps que nous apprenons l’enlèvement des têtes de thératron, nous apprenons que subsistent dans le local des seaux de poussière d’uranium. Ces seaux n’ont pas été enlevés par l’ANDRA, parce qu’ils doivent faire l’objet d’un conditionnement particulier en raison de la dangerosité de l’uranium sous forme de poussière. En effet, dans cet état, la dispersion dans l’environnement pourrait se faire beaucoup plus facilement. Mais surtout, cela le rend beaucoup plus sensible à la chaleur que de l’uranium en bloc, le caractère inflammable augmentant avec la surface de contact avec l’air. De ce fait, cela nécessite un traitement avant transport : l’enrobage dans une résine organique hydrophobe. C’est une société spécialisée qui doit se charger de cette opération avant que l’ANDRA ne procède à l’enlèvement.

D’où proviennent ces poussières d’uranium ? Notre interlocuteur à l’ANDRA n’en savait rien. Nous pouvons donc conjecturer qu’il s’agit de résidus d’usinage local.

Nous attendant toujours à voir l’entreprise cesser ses activités sans qu’il y ait eu enlèvement de la totalité des matières radioactives, nous intervenons régulièrement auprès de l’ANDRA, tant pour nous informer de l’évolution de la situation que pour manifester la volonté des riverains, et donc faire accélérer les choses. Mais rien ne bouge ! Nous décidons alors de nous adresser au préfet, auquel nous écrivons le 19 juin 2 009. Nous obtenons une réponse du sous-préfet, qui nous indique avoir écrit en janvier à Monsieur Debus pour le mettre en demeure de répondre au devis correspondant de l’ANDRA, sans avoir obtenu de réponse, et qu’il va renouveler ce courrier. En fait, il demandait à Monsieur Debus de lui envoyer copie du devis, ce qui est pour le moins étrange, il pouvait l’obtenir directement de l’ANDRA. A sa place, nous aurions demandé justification de l’enlèvement de l’uranium… mais nous ne sommes pas sous-préfet !

Toujours est-il que, les choses n’évoluant toujours pas, nous décidons cette fois d’écrire au ministre, Jean-Louis BORLOO, ce que nous faisons en janvier 2 010. Nous obtenons une réponse quelques jours après. La teneur de cette réponse nous laisse insatisfaits : il transmet notre courrier au préfet du Val-de-Marne ! Retour à la case départ ? Vraisemblablement pas, puisqu’à partir de ce jour les choses s’accélèrent. Au-delà de cette réponse formelle, le ministère est sans doute intervenu auprès de la préfecture pour faire aboutir au plus vite ce dossier. En effet, le préfet nous écrit le 12 avril pour nous annoncer que l’enlèvement de la poussière d’uranium a été effectué le 8 avril. Nous nous réjouissons, jusqu’au jour où nous parvient un courrier de Monsieur LE BOUILLONNEC contenant une copie du courrier que lui envoie le ministre. Notre député a en effet continué à relayer nos initiatives en direction des autorités. Ce courrier, daté du 25 mai, donc bien après le courrier du préfet à l’association, porte : « Ces poussières d’uranium appauvri sont actuellement en cours de prise en charge. »

Qui dit vrai ? Le préfet ? Le ministre ? Nous récrivons au préfet pour tirer la chose au clair. Mais nous n’avons pas de réponse. En nous adressant à l’ANDRA en septembre, nous apprenons que c’est l’information du préfet qui était la bonne : la poussière d’uranium a bien été enlevée le 8 avril. Le préfet ne pouvait donc pas nous répondre sans dire que le ministre n’était pas informé, et écrivait sans savoir. Il a donc choisi de ne pas nous répondre…

 

Conclusion.

 

L’entreprise Debus, à l’heure où nous écrivons, n’a pas encore cessé ses activités. L’étape suivante est la vérification de la décontamination du site, ou sa décontamination effective, deux opérations à la charge financière de Monsieur Debus. Ce n’est qu’au terme de cette vérification, ou de la décontamination effective, que Monsieur Debus aura la possibilité de vendre son terrain.

 

Mais concernant l’uranium précédemment stockée dans l’entreprise, uranium ayant amené la médiatisation de l’affaire Debus, et la création de notre association, nous considérons que le dossier est clos. Il aura fallu pour cela plus de 6 ans d’enquête, d’étude, d’opiniâtreté et de détermination pour faire valoir la parole, l’inquiétude et les demandes des riverains. Nous y sommes parvenus. Face à l’inertie des services de l’Etat, et parfois à la désinformation, cela démontre à l’envi l’utilité de l’action collective.

 

4ème version, octobre 2 010

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