UNE AFFAIRE DE CATALYSEUR :
LE PALLADIUM
Qu'est-ce qu'un catalyseur ?
Puisque nous avons utilisé ce terme, il nous faut l'expliquer. Considérons deux molécules que nous appellerons A et B. Ordinairement, mises en contact, ces deux molécules ne réagissent pas l'une sur l'autre. Mais il se peut qu'en présence d'un troisième corps, que nous appellerons C (comme catalyseur !), une réaction se produise, qui donne P. En fait, ce type de réaction se déroule en plusieurs étapes, au cours desquelles C se trouve lié dans un produit intermédiaire, puis il est libéré lors de l'étape finale qui produit P. On retrouve donc intégralement C quand la réaction est terminée, comme s'il n'avait pas servi. C'est cela que l'on appelle un catalyseur.
Il arrive également que la réaction entre A et B se produise spontanément, mais très lentement, et que la présence de C l'accélère énormément.
Parmi les nombreux catalyseurs identifiés par l'industrie chimique et biochimique, il y a notre palladium.
Qu'est-ce que le palladium ?
Le palladium est un métal léger, de symbole Pd.
Il est très rare dans la croûte terrestre, ce qui explique qu'il n'est connu que depuis le début du 19è siècle. Et quand on dit rare... Le minerai le plus riche, celui que l'on trouve en Russie, contient environ 1,6 gramme de palladium pour 10 tonnes de minerai ! Cela en fait un métal plus cher que l'or. On en extrait quelques centaines de tonnes par an, parce qu'il est utile.
Quelles utilisations du palladium ?
Nous allons dire quelques mots des deux d'entre elles.
Tout d'abord, le palladium est utilisé comme catalyseur dans les pots d'échappement des véhicules à moteur thermique (les pots catalytiques). C'est de loin l'utilisation la plus importante : 57 % de la consommation mondiale. Avec 1,4 milliards de voitures sur notre planète, même si chaque pot catalytique n'utilise que 3 à 5 grammes de palladium, ça finit par faire beaucoup. Il s'agit de favoriser la combustion la plus complète possible de ce qui sort du moteur, de manière à minimiser le monoxyde de carbone, les oxydes d'azote, les suies, les particules fines (les PM2,5) et ultrafines de carbone qui sont si dangereux pour notre santé.
Ensuite, le palladium sert de catalyseur dans l'industrie pharmaceutique. Il existe très peu de médicaments dont la fabrication par cette industrie ne nécessite pas de catalyseur.
Alors, si le palladium, comme tout catalyseur qui se respecte, se retrouve intégralement au terme des réactions qu'il favorise, s'il est aussi utile, pourquoi en parler ? Surtout, pourquoi en parler dans le cadre du travail d'une association qui s'est fixé comme objectif la réduction, voire la disparition, des risques technologiques ?
La toxicité du palladium.
A l'état métallique, sous forme de poudre fine, mais aussi inclus dans des composés, comme par exemple le chlorure de palladium, ce produit est toxique.
Le palladium métallique peut causer des irritations de la peau, des yeux, du système respiratoire. Ses composés sont toxiques et cancérogènes. Par exemple, le chlorure de palladium endommage la moelle osseuse, le foie et les reins. Il a été autrefois prescrit comme traitement contre la tuberculose, mais a été abandonné en raison de ces effets secondaires.
S'il restait tranquillement à sa place, dans les pots catalytiques et dans les installations des industries du médicament, sa toxicité ne poserait que peu de problèmes. Il se trouve que tel n'est pas le cas. Une partie des atomes de palladium présents dans les pots catalytiques se trouvent expulsés par le flux de gaz d'échappement. On les retrouve dans l'air ambiant. Les pluies les amènent au sol, ils sont absorbés par les végétaux puis par les animaux. C'est ainsi que leur concentration le long des autoroutes est significativement plus élevée qu'ailleurs. Mais les eaux de ruissellement les amènent aux cours d'eau. La faune et la flore de ce milieu sont aussi touchées.
Dans l'industrie du médicament, le problème rencontré est qu'il s'agit de catalyse homogène. Que signifie ce terme ? Dans certaines réactions catalysées, le catalyseur se retrouve séparé, ou très facilement séparable, du produit de la réaction. Mais dans le type de réactions mises en œuvre dans cette industrie, ce qui sort est le plus souvent homogène : le produit et le catalyseur sont intimement mélangés. Il convient de les séparer, pour éviter une pollution au palladium, mais aussi pour le récupérer afin de le réutiliser. Et cela a un coût (on considère que 10 % du coût du produit concerne cette séparation), et l'opération n'est jamais parfaite. Enfin, l'industrie s'est jetée sur ce métal aux propriétés peu communes, sans trop se préoccuper durant longtemps de son recyclage, alors qu'on l'a vu, le palladium est rare et cher.
Tant est si bien que l'on retrouve du palladium partout, jusqu'aux glaces de l'Antarctique !
Certaines recherches pour le recycler semblent prometteuses. Il s'agit en particulier d'utiliser la propriété de certaines plantes aquatiques d'absorber par leurs racines les métaux présents dans leur milieu, dont bien sûr le palladium. Mais ces procédés sont encore au stade de la recherche.
Remplacement du palladium.
Mais alors, si ce produit est si rare et si cher, s'il est toxique, pourquoi continuer à l'utiliser ?
Il se trouve ensuite que, face à ce produit miracle, peu d'études de toxicité avaient été engagées jusqu'aux années 2000. Ce n'est qu'ensuite que l'on a commencé à financer, et à mener de telles études.
Enfin, la recherche n'a pas encore permis de trouver des alternatives au palladium pour ces applications. Ou plutôt, quand on pense en avoir trouvé, on découvre ensuite que le produit en question a été contaminé par du palladium à l'état de traces, et que ce métal joue son rôle de catalyseur même à de très faibles concentrations. On compte en effet qu'une partie de palladium par milliard suffit à catalyser une réaction.
Quelle action associative à Villejuif ?
A notre connaissance, il n'existe pas d'usine de production de médicaments dans notre commune, usine dans laquelle nous aurions pu enquêter sur les différents aspects de ce problème. Il nous semble illusoire d'envisager agir sur le palladium contenu dans les pots catalytiques. Pour ces raisons, nous ne pensons pas pouvoir aller plus loin que la seule information des adhérents, puis de la population à travers notre site web et notre chaîne YouTube.
Pour aller plus loin.
A celles et ceux qui souhaitent s'informer plus avant sur ce problème, nous conseillons la livraison de novembre 2022 du magazine Pour la Science, qui consacre son dossier à cette question.
1è version, novembre 2022