PLASTIQUES :
POLLUTION VISIBLE ET INVISIBLE.
Ce document s'appuie largement sur 2 articles du magazine Pour la Science de juin 2021, « Que faire des emballages plastiques » de Nathalie Gontard, et « La pollution invisible des plastiques » de Jean-Baptiste Fini ; sur divers articles de Wikipedia ; sur le dossier concernant la recherche du magazine Que Choisir de juin 2021 ; sur l'article « Microplastiques, les océans victimes de la mode » du numéro de septembre 2021 du même magazine ; sur le documentaire de Cash Investigation « Plastique, la grande intox » de Sandrine Rigaud ; sur le site de France Nature Environnement, sur celui de Greenpeace France ; sur le livre « Plastique, le grand emballement » de Nathalie Gontard et Hélène Seingier ; sur le documentaire « Plastic partout ! Histoires de déchets » d'Albert Knechtel et Nanje Teuscher (Allemagne, 2017) ; sur le documentaire « Plastique, la menace toxique » de Ludivine Favrel ; et, enfin sur les apports de notre conférencier du 28 septembre 2021, Jean-Baptise FINI.
1- Un matériau omniprésent.
Au début du XXè siècle a commencé la fabrication de matières plastiques synthétiques. Rappelons-nous la bakélite, très utilisée en électricité comme isolant.
Depuis le milieu du XXè siècle, ce matériau s'est imposé dans de multiples usages : de l'aéronautique au bâtiment, de l'électronique aux vêtements, des objets du quotidien aux sports, etc.
En effet, cette matière est facile à produire, à mettre en forme (d'où son nom), polyvalente, bon marché, légère et résistante.
Les différents matériaux utilisés auparavant, qu'ils soient d'origine végétale (osier, bois, coton,...), animale (laine, soie, corne, cuir,...) ou minérale (verre, métaux, ciment,...), ont le bon goût de se dégrader, sous l'effet des micro-organismes pour les premiers, des éléments pour les derniers. On n'imaginait pas que ce ne serait pas le cas pour ce nouveau matériau.
2- Pourquoi en parler ?
Une production impressionnante.
Un article de 2017 de Roland Geyer dans la revue Science Advences donne les chiffres suivants : depuis le début du XXè siècle, la production mondiale de plastique a été de 9 milliards de tonnes. Et elle est toujours en progression. En 1950, la production était de 2 millions de tonnes, mais de 400 millions de tonnes en 2015 ! On estime que la production a été multipliée par 300 entre 1970 et 2020. Et selon l'Agence Européenne pour l'Environnement, la production pourrait doubler au cours des 20 prochaines années. Sur les 9 milliards de tonnes cumulées, 0,5 milliard de tonnes ont été incinérées, 2,5 milliards de tonnes sont encore en usage. Le cumul des déchets est donc de 6 milliards de tonnes. Cela représente 67%. Mais un rapport du WWF avance 75%.
La France consomme environ 5 millions de tonnes de plastique chaque année, dont plus de 2 millions sont des emballages.
La pandémie de Covid-19 a entraîné entre autres conséquences le grand retour du plastique à usage unique. Cette crise sanitaire a profité à l’emballage plastique, perçu comme hygiénique et protecteur. Pourtant ce sentiment de sécurité, dans le cadre de l’emballage des produits, ne se base pas sur grand-chose : plusieurs études ont prouvé que la survie du virus était même plus longue sur le plastique que sur d’autres matériaux, comme le carton.
Une pollution impressionnante.
Aujourd'hui, si l'on ne considère que le secteur de l'emballage, d'après une étude de Plastics Europe, l'association européenne des producteurs de matières plastiques, 34% sont incinérés, 32% recyclés,16% enfouis, 10% perdus dans la nature. Et les emballages recyclés serviront à fabriquer des objets qui ne seront eux-mêmes recyclés qu'en minorité, envoyés vers des pays étrangers moins regardants, et finiront dans l'environnement.
Les plastiques qui se retrouvent ainsi dans l'environnement, de l'ordre de 100 millions de tonnes par an, ne sont pas digérés par les micro-organismes du sol. Ils se fragmentent lentement, en morceaux de plus en plus petits. Quand ils atteignent la taille du micromètre ou micron, c'est-à-dire le millionième de mètre, ou le millième de millimètre, ce sont des micro-plastiques. A la taille du nanomètre, c'est-à-dire le milliardième de mètre, le millionième de millimètre, ce sont alors des nano-plastiques. On trouvera ici notre document de synthèse sur les nanoparticules pour plus de détails.
Une partie de ces déchets reste dans le sol, et elle y restera longtemps, formant un conglomérat de terre, donc de matière organique, et de plastique. Une partie, notamment la partie déjà décomposée en morceaux micrométriques, est lessivée par la pluie vers les rivières puis la mer. Bien sûr, nous avons tous vu ces images de bouteilles plastique à la surface de l'océan, y formant des îles flottantes. C'est ainsi que les courants concentrent une île de plastique plus grande que la France entre Hawaï et la Californie. C'est ce que l'on a appelé le septième continent. Il existe au moins 5 de ces concentrations. Pensons à ces sacs plastiques mangés par les tortues qui les confondent avec des méduses, et s'étouffent avec. Mais les plastiques visibles en surface ne représentent que 1% de l'ensemble des plastiques présents dans les océans. il y a aussi ces monceaux de micro-plastiques et de nano-plastiques qui se déversent dans l'océan, et que l'on retrouve, maintenant qu'on les y cherche, aussi bien dans les fosses océaniques que dans les glaciers de l'Arctique ou de l'Antarctique. Des scientifiques avancent que, dans 30 ans, il y aura davantage de plastique que de poissons dans l'océan ! Pour l'heure, on trouve en moyenne 5 fois moins de plastique que de plancton dans les océans, mais davantage de plastique que de plancton dans certaines zones, comme au large de la Corse !
Et les plus petites particules se retrouvent dans l'air, air que nous respirons. Que viennent-elles faire dans nos poumons ?
60% de nos vêtements sont fabriqués, en tout ou en partie, avec des fibres synthétiques. Lors de chaque passage en lave-linge ils libèrent des microfibres de plastique que, pour l'heure, les filtres des machines ne savent pas retenir. Sont-elles éliminées plus tard ? Eh bien non, les stations d'épuration ne savent pas faire non plus ! Elles poursuivent donc leur route vers les océans. D'après les scientifiques, un tiers des microplastiques que l'on trouve dans les océans proviennent de nos habits... La loi Antigaspillage pour une économie circulaire de 2020 introduit l'obligation d'équiper les nouveaux appareils de filtres à microfibres plastiques à compter du 1er janvier 2025. Mais les premiers essais s'avèrent décevants.
Cette pollution est bien mondiale. Certains parlent de pandémie de plastique. D'ailleurs, une partie de nos plastiques usagés sont envoyés dans d'autres pays aux réglementations moins regardantes, ce qui fait que nous contribuons à polluer l'environnement en Afrique, en Asie, avec nos déchets dont nous ne savons que faire.
Une pollution que l'on retrouve dans notre organisme.
Ces particules, qui ne se dégradent pas, sont absorbées par les organismes vivants, et s'accumulent au long des chaînes alimentaires. Et le super-prédateur qui se trouve au sommet de la plupart des chaînes alimentaires, nous, nous absorbons ce plastique avec notre nourriture. Kieran Cox, de l'université de Victoria, a estimé en 2019 que nous absorbons environ 50 000 microparticules de plastique par an avec notre alimentation. Thava Palanisami, de l'université de Newcastle, a calculé que nous en absorbons en moyenne 5 grammes par semaine ! Alessandro Svelato, de l'hôpital de Rome, a décelé une contamination aux micro-plastiques dans 4 des 6 placentas humains qu'il a étudiés.
3- Comment sont-ils produits ?
Les matières plastiques sont fabriquées à partir d'une matière de base, la résine. Celle-ci est issue de produits intermédiaires ayant noms éthylène, propylène, acétylène, benzène et autres. Ceux-ci sont obtenus à partir du pétrole, mais aussi du gaz naturel ou du charbon. Il est donc question de pétrochimie.
Les résines sont des polymères. Pas d'affolement, il n'est pas question ici de faire un cours de chimie de niveau universitaire, mais de donner quelques éléments simples permettant à toutes celles et tous ceux qui n'ont pas de connaissances préalables de comprendre de quoi on parle. Prenons un exemple : l'éthylène. Il s'agit d'une molécule très simple, comprenant 2 atomes de carbone et 4 atomes d'hydrogène. 6 atomes en tout, on fait rarement plus simple. Mais avez-vous remarqué la terminaison en -ène des produits listés à l'alinéa précédent ? Elle est là pour renseigner le chimiste sur une propriété très particulière de ces molécules : elles peuvent s'accrocher l'une à l'autre en chaînes. En très longues chaînes ! Il faut 3000 molécules ainsi liées en chaîne pour parler de matière plastique, mais ce nombre peut être beaucoup plus important, parfois plusieurs millions. L'éthylène fait donc partie de ces molécules capables de s'associer en chaîne. Si c'est le cas, on obtient du polyéthylène. C'est un polymère. La molécule de base, ici l'éthylène, est dans ce cas affublée du nom de monomère. L'opération permettant l'obtention d'un polymère s'appelle tout naturellement la polymérisation. Elle demande de l'énergie et des catalyseurs, des produits qui facilitent l'opération.
4- Différentes familles de plastiques.
Il en existe de nombreuses familles, mais celles auxquelles nous sommes confrontés couramment sont au nombre de 7 :
1 : polytéréphtalate d'éthylène (PET) utilisé pour les bouteilles d'eau
2 : polyéthylène haute densité (PEHD) pour les flacons et récipients
3 : polychlorure de vinyle (PVC) pour les films étirables, les tubes
4 : polyéthylène basse densité (PEBD) pour les films d'emballage et les sacs
5 : polypropylène (PP) pour les bouchons et les boîtes hermétiques
6 : polystyrène (PS) pour les emballages isolants et les produits frais
7 : autres, comme les polycarbonates pour les bouteilles, les canettes, les conserves...
5- De très nombreux additifs.
S'il n'y avait que les résines dans les matières plastiques, ce serait trop simple ! De nombreux additifs entrent dans leur composition. Selon une analyse de Jane Muncke, de la fondation suisse Food Packaging Forum, environ 12 000 substances sont susceptibles d'être ajoutées intentionnellement. Pour quelles fonctions ? Pour servir de plastifiants (phtalates, paraffines chlorées), de retardateurs de flamme (paraffines chlorées, produits bromés), d'antioxydants (bisphénol A, composés de métaux lourds), de stabilisants thermiques (composés de métaux lourds), de biocides (arsenic, triclosan), de pigments (composés de métaux lourds), d'agents anti-statiques, de rigidifiants, de résistants aux acides, à la congélation, de solvants ou encore de catalyseurs (antimoine).
Sans compter qu'il y en a 10 fois plus qui peuvent s'y retrouver de façon non intentionnelle. Et aussi des monomères qui ont échappé au processus de polymérisation.
6- Les risques sanitaires.
Les micro-plastiques de taille inférieure à 10 micromètres, pénétrant dans notre organisme par ingestion, mais aussi par inhalation, sont susceptibles de pénétrer dans nos cellules.
Nombre des molécules concernées, tant des matières plastiques elles-mêmes que des additifs, sont connues pour être des perturbateurs endocriniens. C'est-à-dire qu'en mimant les hormones produites par nos glandes endocrines, y compris sexuelles (testicules et ovules), elles sont en mesure de mettre la pagaille dans le fonctionnement normal de tous nos organes. A terme, ce sont des tumeurs, des perturbations de la fertilité, des anomalies dans la reproduction, etc. Pour plus de détails sur ces questions, voir notre document de synthèse sur les perturbateurs endocriniens. Rappelons simplement que, si l'alchimiste du Moyen-Age Paracelse écrivait : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose fait qu'une chose n’est pas poison », ce que l'on a résumé dans la formule : « c'est la dose qui fait le poison », on se rend compte maintenant que l'exposition à de faibles concentrations, bien inférieures aux limites précédemment établies par la réglementation, suffit parfois à perturber le système endocrinien. Cet effet est maintenant reconnu par les organismes officiels. Par exemple, l'ANSES le reconnaît en septembre 2011 pour le bisphénol A. Des doses faibles ont parfois plus d'effets néfastes sur la santé que des doses fortes ! Dans les années 70, 5% des enfants étaient sujets à des allergies. Avec le développement des perturbateurs endocriniens, dans les années 2010, ce sont maintenant 30% des enfants qui sont concernés. Un éjaculat contenait 70 millions de spermatozoïdes. Maintenant, c'est de l'ordre de 20 millions. Vous me direz que c'est bien suffisant pour féconder un ovule, mais ces spermatozoïdes sont moins vigoureux. Et de plus en plus de couples ne peuvent plus avoir d'enfants par la méthode naturelle.
En plus de cette perturbation hormonale, les micro-plastiques peuvent engendrer des phénomènes inflammatoires, le stress oxydatif, et divers déséquilibres métaboliques.
Quant aux additifs, qui ne sont pas liés chimiquement aux polymères, ils peuvent facilement s'en extraire, par migration dans les liquides ou par volatilisation. S'il s'agit de plastiques d'emballage des produits alimentaires, ils vont se retrouver dans notre assiette. Cette migration est bien sûr favorisée par la température, ainsi que par la durée de stockage.
Et pourquoi est-elle favorisée par la température ? Parce que cet apport d'énergie vient séparer dans la résine les molécules de base, les monomères, les unes des autres. C'est ce que l'on appelle la dépolymérisation, qui aboutit à retrouver dans la nourriture des choses qui n'ont rien à y faire : éthylène, chlorure de vinyle, etc., en plus des additifs dont nous venons de parler, qui se trouvaient au préalable piégés dans la masse de la résine.
7- Les substituts au plastique.
Autres matériaux.
Pour certaines applications, le métal ou le verre sont toujours possibles, même s'ils sont plus coûteux et plus lourds que le plastique. C'est d'ailleurs pour ces raisons que le plastique les a supplantés.
Mais quand il est question d'emballer de la nourriture, par exemple des fruits et légumes, pour la transporter et la protéger, métal et verre ne sont évidemment pas appropriés.
Le recyclage des plastiques.
C'est pourquoi on a misé sur le recyclage. L'Union européenne vise 100% de plastiques recyclables à l'horizon 2030. Malheureusement, quand il est possible, il ne peut se faire qu'une seule fois, dans la mesure où la résine se dégrade. Et il ne fonctionne bien qu'avec le PET des bouteilles d'eau. D'autres plastiques, dégradés, sont réutilisés dans des vêtements, des bancs publics, etc. Dans ces cas, le plastique ne disparaît pas, sauf à notre vue, et l'on continue à en fabriquer et à accumuler les déchets. C'est ainsi qu'en Europe, au cours des 10 dernières années, le taux de recyclage des plastiques a doublé, mais la consommation de plastique vierge a augmenté de 20%.
C'est dire que l'objectif de 100% de plastique recyclé est une vaste fumisterie, de nature à masquer la nécessité de réduire d'abord la consommation de ce matériau.
Il faut dire qu'il arrive que la matière plastique vierge, donc nouvellement fabriquée, soit moins coûteuse que le plastique recyclé, surtout quand le prix du pétrole est bas. Ce qui fait que les industriels n'achètent pas la matière recyclée, qui devient non rentable...
Mais il est un effet pervers du recyclage dont il nous faut dire un mot. Les fabricants ont pris l'habitude d'incorporer dans leurs produits des retardateurs de flamme bromés (des meubles aux ordinateurs en passant par les téléphones et l'électroménager). Leur efficacité n'a jamais été démontrée, mais là n'est pas le problème. Les produits bromés sont classés perturbateurs endocriniens, cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. C'est la raison pour laquelle ils sont interdits dans les objets destinés aux enfants (en particulier les jouets). Pourquoi ces effets sanitaires ? Celles et ceux qui se souviennent de leurs cours de chimie au lycée savent que le brome et l'iode se trouvent dans la même colonne de la classification des éléments, donc ont les mêmes propriétés chimiques. Notre thyroïde, qui utilise l'iode pour fabriquer les hormones qu'elle envoie dans tout l'organisme pour en réguler le fonctionnement, ne sait pas faire la différence entre brome et iode, ce qui perturbe gravement son fonctionnement, et donc celui de tout le corps. A éviter absolument chez les enfants dont l'organisme est en construction. Bien sûr, au cours du recyclage, les produits bromés doivent être éliminés. Enfin, pas totalement, il y a une concentration limite depuis 2015 (2000 ppm [parties par million]). Mais il semble bien qu'elle soit souvent dépassée, puisque l'on retrouve des produits bromés en concentration bien au-delà de la réglementation dans nombre de jouets...
Au-delà des produits bromés, il existe, nous en avons parlé, des tas de molécules qui n'ont demandé qu'à s'infiltrer en profondeur dans le plastique, que ce soit volontaire ou pas. Il faut donc chauffer ce plastique, mais légèrement pour ne pas aboutir à la dépolymérisation, de façon à extraire ces contaminants. Et l'on ne parvient jamais à les extraire tous complètement. On peut également procéder avec des solvants chimiques, mais il faut ensuite s'en débarrasser...
Remarquons enfin que, s'il paraissait normal d'avoir du verre consigné, ce qui amenait un taux de réutilisation important, il n'en est plus question avec le plastique, dont on se débarrasse au mieux dans la poubelle jaune, pour l'envoyer en incinération. Certes, cela coûte moins cher que le système de consigne. Toujours la logique du profit ! Remarquons toutefois que ce système de consigne existe en Allemagne, mais pas pour tous les types de bouteilles.
Pas chez nous !
Au moins pouvons-nous espérer que nous traitons nous-mêmes nos propres plastiques, et que ceux que l'on voit souiller l'environnement d'autres pays sont des plastiques autochtones. Raté ! Plus de la moitié de nos plastiques « recyclables » sont envoyés dans les pays plus pauvres, en particulier d'Asie du Sud-Est ou du Pacifique. Mais déjà Chine, Pakistan, Inde, Turquie, Malaisie, Vietnam et Indonésie refusent d'accueillir nos déchets plastiques. Qu'allons-nous en faire ?
L'incinération.
Une partie des déchets plastiques (34%) sont incinérés. La chaleur détruit les chaînes de polymères, et on retrouve le monomère, qui lui-même est détruit par la combustion. On récupère ainsi une partie de l'énergie utilisée pour sa fabrication. Mais on génère deux problèmes : d'abord, malgré les procédés de filtration, des molécules dangereuses s'échappent des cheminées des usines d'incinération, et se répandent dans l'atmosphère, puis sur les sols, puis dans la chaîne alimentaire. Même si les concentrations en sortie respectent les normes (ce qui n'est pas toujours le cas), leur accumulation représente un réel danger. On trouvera des éléments détaillés sur cette page du site du Collectif 3R (auquel nous sommes affiliés). Ensuite, toute combustion s'accompagne de production de gaz carbonique, pointé depuis longtemps comme gaz à effet de serre, responsable en grande partie du réchauffement climatique qu'il nous faut absolument enrayer.
Les plastiques biosourcés.
Pour ces raisons ont été développés des bioplastiques. La plupart d'entre eux sont des plastiques biosourcés. Pas de panique : ce nouveau mot signifie simplement que ces plastiques trouvent leur source dans des végétaux. Par exemple, le maïs. Il s'agit d'utiliser ces ressources agricoles pour fabriquer des molécules strictement identiques à celles d'origine pétrochimique. La bonne nouvelle, c'est que l'on ne dépend plus du pétrole. La mauvaise, c'est qu'on retrouve des déchets qui présentent les mêmes dangers que les plastiques issus de la pétrochimie... Une étude menée par Martin Wagner, de l'université norvégienne, a montré que les trois quarts de ces bioplastiques sont toxiques ou perturbateurs endocriniens, soit dans la même proportion que les plastiques classiques. La leçon de cette histoire, c'est que naturel n'est pas équivalent à bon pour notre organisme. Après tout, le venin du crotale, de la mygale ou du scorpion, la belladone, la ciguë ou le curare sont on ne peut plus naturels !
Les plastiques biodégradables.
C'est l'autre catégorie de bioplastiques. Il s'agit cette fois de matières capables de réintégrer en totalité le cycle naturel du carbone, donc de disparaître complètement en tant que matières plastiques. Elles sont repérables par le label « OK compost ».
Petit problème : la plupart de ces bioplastiques ne sont biodégradables qu'à partir de 60°. Ce qui impose une filière industrielle spécialisée, qui n'existe pas aujourd'hui. Les seuls qui sont biodégradables à la température ordinaire affichent le logo « OK Home Compost ».
C'est ainsi que l'on trouve des sacs dans les rayons de certains supermarchés qui s'affichent biodégradables. Mais il faut savoir qu'ils sont constitués pour une partie d'amidon de pomme de terre ou de maïs, et pour l'autre partie d'un polymère biodégradable. Un peu d'oxygène dans la structure de l'éthylène, et les micro-organismes du sol peuvent le digérer. La bonne nouvelle, c'est qu'il existe des polymères biodégradables. La mauvaise, c'est qu'ils proviennent encore de la pétrochimie, et donc dépendent encore du pétrole.
Des recherches prometteuses sont en cours. Signalons en particulier le travail mené à l'INRAE (Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement) de Montpellier. Cette unité a développé des contenants alimentaires à base de PHA (des polyesters synthétisés par des bactéries). Ils sont obtenus à partir de liquides issus de l'agriculture ou de l'industrie alimentaire, et de cultures microbiennes adaptées. On y ajoute une poudre obtenue à partir de paille de blé ou de sarments de vigne.
Cela étant, ces initiatives, pour intéressantes qu'elles soient, ne permettent pas de réduire le flux de micro-plastiques se déversant dans l'environnement. Il faut se rendre à l'évidence : nous avons perdu le contrôle de cette invention ! Et donc agir pour éliminer les plastiques inutiles, ou au moins non indispensables.
De plus, les terres agricoles utilisées pour produire la matière première de ces plastiques biosourcés et biodégradables sont autant de terres en moins pour produire de la nourriture pour les humains. Pour éviter cela, il faudrait n'utiliser que des résidus agricoles non destinés à l'alimentation humaine.
8- Que pouvons-nous faire individuellement ?
Bien sûr, ne pas jeter d'objets en plastique (ni d'ailleurs d'une autre matière) sur la voie publique ou dans la nature.
Éviter les objets en plastique autant que faire se peut.
Ne pas réchauffer les aliments dans des contenants plastiques au micro-ondes.
Ne pas réutiliser de bouteilles plastiques pour le stockage de l'eau.
Manger dans des contenants inertes.
Limiter le stockage des aliments dans des contenants plastiques, bio ou pas.
Limiter l'usage du film alimentaire.
Rappelons enfin que tous les plastiques, même souillés, se mettent dans la poubelle jaune.
9- Quelle action collective ?
Rôle du système.
S'il suffisait que nous adoptions tous les bons comportements, cela se saurait. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Une étude du cabinet Carbone 4, de 2019, intitulée Faire sa part, a conclu que, si tous les citoyens adoptaient en tout temps et en toutes choses un comportement vertueux pour l'environnement, cela ne résoudrait que 30% de l'effort à fournir pour maintenir notre planète à peu près habitable pour nous et pour les générations futures. 70% sont du ressort de l’État et des entreprises. C'est dire que la responsabilité première est celle d'un système qui privilégie le profit des entreprises, c'est-à-dire les dividendes des actionnaires, à notre santé, à la survie de notre espèce, et de nombreuses autres (mais il paraît que les scorpions s'en sortiront toujours très bien...).
Il nous faut donc intervenir à ces niveaux. Notre action individuelle de chaque geste, de chaque instant, est utile, et nécessaire, mais il convient de la compléter par une action collective pour transformer ce système mortifère. Comment ?
On essaie de nous culpabiliser.
Connaissez-vous l'organisme états-unien « Keep America Beautiful » ? Non ? Et l'organisme européen « Clean Europe Network » ? Non plus ? Une dernière tentative : est-ce que « Vacances Propres » vous dit quelque chose ? Oui ? Vous vous souvenez avoir vu les sacs plastiques bleus, blancs et rouges, utilisés pour ramasser les déchets sur les plages ? Mais savez-vous par qui cette association est financée ? Voici quelques noms : Danone, Cristalline, Nestlé, Procter et Gamble, Harribo, Coca Cola. Oui, ce sont les producteurs d'emballages plastiques qui financent. On trouve la même configuration avec l'organisme états-unien et l'européen cités plus haut. L'objectif, fixé depuis une soixantaine d'années par Coca Cola, est de culpabiliser le consommateur, donc de détourner l'attention du producteur. Personne ne défendra l'incivilité que représente l'abandon de ces artefacts dans la nature. Mais tout le monde conviendra que sans plastique d'emballage, pas de dépôt de plastique dans la nature. Ces producteurs sont prêts à dépenser des sommes importantes pour nous culpabiliser, et sauvegarder ainsi leur business.
Les associations.
Il nous faut donc agir collectivement, et pour cela le mouvement associatif est un bon levier.
Mentionnons d'abord l'action des associations de consommateurs, en particulier celles fédérées dans l'Union Fédérale des Consommateurs (l'UFC-QueChoisir) qui par ses actions informe le public sur la composition des aliments, des cosmétiques, des objets du quotidien, sur leur contamination par tel ou tel polluant, intervient auprès des décideurs et mobilise ses adhérents et ses lecteurs par des actions de pétitions, d'adresses aux députés, aux ministres, etc.
Ensuite, bien sûr, les associations environnementalistes, notamment celles fédérées dans France Nature Environnement (dont nous sommes membre) qui mène campagne pour assurer aujourd'hui et pour les générations futures un environnement plus sain que celui auquel nous a conduits la course au profit qui foule aux pieds la santé humaine, et celle de la planète.
Les unes comme les autres doivent être soutenues, nous devons toutes et tous y adhérer, profiter des informations et des analyses qu'elles produisent, et participer aux actions individuelles et collectives qu'elles proposent. Ce sont les actions citoyennes, et non la bonne volonté des industriels, qui ont permis des résultats comme, par exemple, l'interdiction du bisphénol A.
Évolution de la réglementation.
Parmi ces actions, l'évolution de la réglementation est un volet important. Prenons un exemple dans le domaine qui nous intéresse ici. Le règlement européen CE n°1935/2004 préconise que les substances cédées par les matériaux en contact avec les aliments ne dépassent pas 10 milligrammes par décimètre carré de surface du matériau. Pour un emballage cubique contenant 1 kg d'aliments, cela correspond à une migration de 60 milligrammes ! De tels règlements ne tiennent pas compte des polymères (la plupart du temps, seuls les monomères sont testés), ni des additifs, ni de l'action des faibles doses, ni de l'effet cocktail.
Aux États-Unis, pays qui ne brille pas par ailleurs pour la qualité de la protection de ses citoyens, les seuils réglementaires sur ce terrain sont 20 fois inférieurs à ceux de l'Union Européenne.
N'oublions jamais que ces seuils réglementaires, dans ce domaine ou dans d'autres, ne sont en aucun cas des seuils d'innocuité, mais les limites en deçà desquelles les risques sanitaires sont considérés comme socialement acceptables par celles et ceux qui les ont adoptés.
Il nous faut agir pour obtenir une évolution de ces seuils réglementaires.
Mais surtout, ne faut-il pas envisager un changement total dans ce domaine : cesser la production de nouveaux plastiques, en ne comptant que sur le recyclage de celui actuellement utilisé pour répondre aux besoins que l'on ne peut actuellement pas satisfaire avec d'autres matériaux ? Quels sont les politiciens qui sont prêts à prendre ces décisions courageuses pour le long terme, et le faire au plan international, alors que l'horizon de beaucoup d'entre eux se limite au prochain scrutin ?
Charge de la preuve.
Actuellement, un nouveau produit est mis sur le marché. Les scientifiques s'en emparent, définissent un protocole d'étude de toxicité éventuelle, réalisent des expériences, qui peuvent être reprises par d'autres, qui prennent du temps (voir à ce propos notre document sur la méthode scientifique), et si la toxicité est avérée, il faut parvenir à informer et mobiliser le public pour obtenir une interdiction ou des restrictions d'utilisation. Il nous faut obtenir le renversement du processus : l'innocuité doit être prouvée avant toute utilisation ! Ce que l'on appelle l'inversion de la charge de la preuve.
La recherche.
Puisque l'on parle de recherche, il conviendrait que celle-ci porte sur des aspects peu investigués jusqu'à présent : effet des faibles doses, effet des mélanges de molécules, effet des expositions pendant les périodes de vulnérabilité des individus, lien entre effets biologiques et analyse chimique (notamment parce que beaucoup de produits se retrouvant dans les plastiques sont encore inconnus),
Malheureusement, la recherche scientifique se trouve actuellement dans un état des plus sombres. La pandémie de Covid l'a bien montré, puisque notre pays a été incapable jusqu'à présent de produire un vaccin contre le coronavirus SARS-COV2. Non seulement les organismes publics (Institut Pasteur par exemple), mais aussi les entreprises privées, comme Sanofi qui supprime des postes de recherche pour pouvoir verser des dividendes plus élevés à ses actionnaires, et se trouve dans l'incapacité de produire le vaccin que tout le monde espérait pour ne pas dépendre du bon vouloir des pays étrangers.
Bien évidemment, cette stratégie perdant/perdant se retrouve dans le domaine qui nous intéresse ici. Le dossier dans le numéro de juin 2021 du magazine Que Choisir met en lumière un fait impressionnant. Les chiffres cités concernent l'Europe. Considérons les nanotechnologies. La part du budget de recherche concernant les risques sur la santé et l'environnement par rapport aux développements technologiques représente 2,3%. Et pour les biotechnologies (pensons par exemple aux bioplastiques dont nous parlions plus haut), cette part n'est plus que de 0,1% ! D'ailleurs, c'est le même pourcentage pour les technologies de l'information et de la communication (pensons à notre intervention dans le débat sur la 5G, et à notre analyse de l'avis de l'ANSES). Voilà le résultat d'une politique consistant à favoriser le financement de la recherche dans les entreprises par rapport à celle dans les organismes publics, à pousser le public à développer les partenariats public/privé qui orientent la recherche vers les productions rentables, à saupoudrer tellement peu de crédits à ces organismes publics qu'il leur est difficile de mener des études d'ampleur qui nécessitent beaucoup d'argent, bref à favoriser là encore les intérêts privés, parce qu'il est clair que les industriels financent les recherches qui leur assurent un retour sur investissement, pas celles qui pourraient remettre en cause leurs profits.
Il nous faut donc intervenir collectivement sur cette question, à travers nos associations, mais aussi en interpellant les décideurs, politiques et administrateurs de l’État, pour espérer voir évoluer les choses.
L'action de notre association.
A son petit niveau, notre association s'est emparée de ce problème, en intervenant depuis plusieurs années auprès de la municipalité pour faire remplacer les contenants plastiques dans les cantines par des matériaux inertes, comme l'inox. Il semble que nous obtenions satisfaction, puisqu'une expérimentation avec ce matériau est en cours à l'heure où nous écrivons. Il était temps : la loi Egalim interdira les contenants plastiques dans la restauration collective accueillant des enfants en 2025 !
Nous avons organisé une conférence-débat sur ce dossier, le 28 septembre 2021, avec Jean-Baptiste FINI, professeur au Muséum d'Histoire Naturelle.
Nous envisageons d'intervenir auprès de la municipalité sur le sujet des pelouses synthétiques dans les stades et les gymnases.
Nous continuerons à intervenir, soit sur des dossiers ponctuels comme celui-ci, soit pour informer la population afin qu'elle puisse intervenir collectivement pour promouvoir des solutions réelles à ce grave problème qui menace notre avenir. Au plan individuel comme à celui de notre espèce.
1ère version, octobre 2021